mardi 13 décembre 2011

Comment dit-on lamentable en néerlandais?

Big Brother is hearing you. Ca se passe à Grimbergen. Si on y boit la bière locale (de fameuse réputation) en disant "santé" (en français dans le texte), on risque gros. C'est que désormais, dans cette commune de la périphérie bruxelloise, située en Région flamande, on ne pourra parler et écrire publiquement que le néerlandais. Les citoyens seront invités à signaler au point de contact pour plaintes linguistiques les entorses à cette règle. Ont-ils entendu parler français ou une autre langue? Ils sont priés de le faire savoir. Ont-ils vu une inscription en français? Hop! Une dénonciation. Toute publicité multilingue sera interdite. La délation, elle, sera encouragée.
Décidément, on le dit et le répète, la bêtise est à la mode. Et le ridicule n'a jamais tué personne.
Cette mesure est illégale, affirme Dirk Vanoverbeke (1): "l'article 30 de la Constitution consacre le principe du libre choix dans les relations autres qu'administratives et judiciaires". Et de rappeler que les relations commerciales sont d'ordre privé.
Le Syndicat neutre pour indépendants se permet de signaler, s'il le fallait (et apparemment il le faut), que le multilinguisme est un atout pour les commerçants et que ceux-ci vivent de leurs clients (2). On veut bien prendre les paris: ce protectionnisme linguistique risque de se retourner contre les commerces de Grimbergen. Quel non néerlandophone aurait encore envie de faire ses courses dans une commune où il risque d'être dénoncé pour son absence de connaissance du néerlandais ou de faire dénoncer, à son corps défendant, le commerçant qui a eu la gentillesse de lui parler dans sa langue?
Mais peut-être les acheteurs flamands y remplaceront-ils les allophones ? Dirk Vanoverbeke constate que "la seule personne qui s'est opposée à cette mesure, c'est un député Groen bruxellois. Et il s'est fait traiter par l'ensemble des parlementaires flamands de francophone de service. Donc, ça montre bien qu'en Flandre cette mesure est considérée comme normale".
Pendant ce temps-là, à la Chambre, Jan Jambon de la NVA fait très sérieusement la chasse aux erreurs de prononciation en néerlandais d'Elio Di Rupo. Et Jean-Marie Dedecker (qu'on avait oublié) reproche au premier ministre de citer Jacques Brel. Un chanteur à laisser aux oubliettes, lui qui eut le culot, dans une de ses chansons, de refuser "d'aboyer le flamand". Christian Laporte rappelle à JMDD (3) que la cible de Brel était les flamingants. Et pas les Flamands, et moins encore les Flamandes qu'il appréciait beaucoup.
Lamentable se dit jammerlijk.

(1) Le Soir, 9 décembre 2011
(2) LLB, 10 décembre 2011
(3) LLB, 12 décembre 2011
(Re)lire aussi sur ce blog "J'ai acheté des plantes à Mooieoog", 27.09.2007

Post-scriptum: Tout comme il ne faut pas confondre musulmans et islamistes, il ne faut pas confondre flamands et flamingants. Ce n'est pas parce qu'on a du respect pour les uns qu'on ne peut pas pourfendre les autres. Au contraire. Les distinctions sont utiles. On est bien au-delà de la nuance.
Pour Jean-Marie Dedecker, rappel de la chanson de Jacques Brel qui brocarde les flamingants.

Les Flamingants, chanson comique !

Messieurs les Flamingants
J'ai deux mots à vous rire
Il y a trop longtemps
Que vous me faites frire
À vous souffler dans le cul
Pour devenir autobus
Vous voilà acrobates
Mais vraiment rien de plus

Nazis durant les guerres
Et catholiques entre elles
Vous oscillez sans cesse
Du fusil au missel
Vos regards sont lointains
Votre humour est exsangue
Bien qu'y aient des rues à Gand
Qui pissent dans les deux langues
Tu vois quand j'pense à vous
J'aime que rien ne se perde
Messieurs les Flamingants
Je vous emmerde

Vous salissez la Flandre
Mais la Flandre vous juge.
Voyez la mer du nord
Elle s'est enfuie de Bruges.
Cessez de me gonfler
Mes vieilles roubignoles
Avec votre art flamand-italo-espagnol.
Vous êtes tellement tellement
Beaucoup trop lourds
Que quand les soirs d'orage
Des chinois cultivés
Me demandent d'où je suis,
Je réponds fatigué
Et les larmes aux dents :
"Ik ben van Luxembourg".
Et si aux jeunes femmes,
On ose un chant flamand,
Elle s'envolent en rêvant
Aux oiseaux roses et blancs

Et je vous interdis
D'espérer que jamais à Londres
Sous la pluie on puisse
Vous croire anglais
Et je vous interdis
À New-York ou Milan
D'éructer Messeigneurs
Autrement qu'en flamand
Vous n'aurez pas l'air cons
Vraiment pas cons du tout
Et moi je m'interdis
De dire que je m'en fous
Et je vous interdis
D'obliger nos enfants
Qui ne vous ont rien fait
À aboyer flamand
Et si mes frères se taisent
Et bien tant pis pour elles.
Je chante persiste et signe :
Je m'appelle Jacques Brel ....

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