lundi 5 décembre 2011

Etre une petite fille

Le niveau général d'éducation n'a jamais été aussi élevé. Cependant, la bêtise reste à la mode. Elle se manifeste de diverses manières. Notamment à travers le racisme et l'antisémitisme. L'hebdomadaire Le Vif (1) publie un dossier sur ce dernier. Des jeunes filles bruxelloises et anversoises témoignent des violences dont elles sont ou ont été l'objet parce qu'elles sont juives. La violence physique est exceptionnelle, mais les injures semblent devenir coutumières. Les Juifs sont porteurs de tous les péchés... d'Israël. Pour certains esprits étroits, Juifs = Israëliens = Sionistes = anti-Palestiniens. Ces raccourcis sont évidemment stupides. Ils témoignent d'un manque de connaissances. Et de réflexions. On ne réfléchit pas, on ne pense pas. Ou plutôt, on pense bas. Les réponses simples à des question complexes rassurent. Les coupables facilement désignés permettent l'expression d'une bêtise haineuse.
Si les origines de quelqu'un indiquent aussitôt ses opinions politiques, on suppose que les Allemands seraient alors tous des nazis, les musulmans des islamistes, tous les hommes seraient des va-t-en-guerre.
Qu'importe que quelqu'un soit juif, arabe, homosexuel, gitan, végétarien, noir ou handicapé ? Ces caractéristiques ne le déterminent pas. Ne l'enferment pas dans un tiroir. Franchement, on s'en fout que telle personne soit juive ou arabe ou homosexuelle, on ne se pose même pas la question. Ce qu'on peut attendre des autres, c'est qu'ils usent d'intelligence, de discernement, qu'ils prennent positivement leur place dans la société dans laquelle ils vivent. Les identités sont meurtrières, écrit Amin Maalouf, si elles sont restrictives, alors que "l'humanité entière n'est faite que de cas particuliers, la vie est créatrice de différences, et s'il y a "reproduction", ce n'est jamais à l'identique. Chaque personne, sans exception aucune, est dotée d'une identité composite; il lui suffirait de se poser quelques questions pour débusquer des fractures oubliées, des ramifications insoupçonnées, et pour se découvrir complexe, unique, irremplaçable" (2).
Jean-Paul Sartre disait que c'est l'antisémite qui fait le Juif. Frantz Fanon écrivait: "Je suis un nègre - mais naturellement, je ne le sais pas, puisque je le suis". Indiquant par là que c'est le regard des autres qui nous enferme dans une étiquette, que c'est le regard du Blanc qui voit le Noir (3).
On aimerait que chacun ouvre son regard, que chacun soit une petite fille qui "aime bien réfléchir" (4).

(1) Le Vif, 2 décembre 2011
(2) Amin Maalouf, "Les Identités meurtrières" (1998)
(3) lire Juliette Cerf: "Fanon, l'indépendance dans la chair", in Télérama, 30 novembre 2011
(3) voir le billet "Envolée" du 30 janvier 2011. Voir aussi "Portrait de la bêtise humaine", 27 janvier 2011.

Aucun commentaire: