lundi 26 décembre 2011

Un beau pays

Tu gagneras ton pain à la sueur de ton front. Le nouveau gouvernement belge est de tendance judéo-chrétienne. Il vient, en deux temps, trois mouvements, prenant les syndicats par surprise, de reculer de deux ans l'âge de la pension anticipée. On vit plus longtemps, on doit donc travailler plus longtemps. Tout se mérite. Et il faut en baver autant que possible.
Le député Philippe Moureaux, vice-président du Ps, estime que "ces réformes sont totalement injustes, totalement déséquilibrées... mais totalement indispensables!" (1). Voilà pourquoi il les a votées. Nous voici donc dans une situation où un parti socialiste trouve indispensable l'injustice. Mais Pappy Moureaux trouve aussi "sage" que "l'âge réel de départ à la retraite se rapproche de l'âge légal de la pension". Il reste d'ailleurs l'exemple de l'homme actif, fait-il remarquer: à 72 ans, il est toujours député-bourgmestre. Les petits jeunes ne sont pas encore près de prendre sa place. On voit par là que si chacun se droguait au pouvoir, les caisses de pension seraient plus pleines.
Les socialistes ne voient pas le travail du même oeil que les situationnistes. Raoul Vaneigem estime que "le travail a été ce que l'homme a trouvé de mieux pour ne rien faire de sa vie. (...) Il a privilégié l'espèce aux dépens de l'individu comme s'il fallait, pour perpétuer le genre humain, renoncer à la jouissance de soi et du monde et produire sa propre inhumanité" (2). La retraite, c'est du temps libre. Du temps pour mener sa vie comme on l'entend. Pour en profiter enfin, disent certains qui mènent un travail abrutissant, dépourvu de sens. Mais ce temps-là coûte trop cher à la société, estiment les socialibéraux, menés par le bout du nez par les agences de notation.
Et si l'argent était trouvé ailleurs? Par exemple, en baissant beaucoup plus encore que prévu les fameux intérêts notionnels et en contraignant les entreprises qui en bénéficient à créer des emplois? Par exemple, en taxant beaucoup plus les opérations boursières ou le précompte mobilier? Ou encore en augmentant la rente nucléaire? C'est que préconisent Ecolo et Groen (1).
En attendant, la Belgique reste un paradis fiscal: Bernard Tapie, ce grand philanthrope, y place ses billes. Une banque d'affaires lui a conseillé d'y placer une partie de ses avoirs. Il vient d'injecter plus de 215 million d'euros dans un holding belge, "évitant ainsi un impôt de 30% sur la plus-value, non taxée en Belgique" (3). Et pour faire voyager cet argent, Nanard n'a pas payé d'exit tax. Un gain de 70 millions d'euros. En outre, en Belgique, les holdings sont peu taxés, leurs dividendes sont exonérés à 95%. Et grâce aux intérêts notionnels, Tapie pourra encore réduire son assiette fiscale. En clair, écrit le Vif, " Tapie utiliserait la Belgique comme base de développement, sans y investir réellement. Comme peut le faire tout autre exilé fiscal de luxe, en somme".
Pendant que certains voient reculer l'âge de leur retraite, d'autres ne doivent même pas travailler. C'est leur argent qui le fait pour eux. Avec l'aide complaisante de l'Etat belge.

(1) LLB, 23 décembre 2011
(2) Raoul Vaneigem, "Nous qui désirons sans fin", Le Cherche-Midi éditeur, 1996
(3) Le Vif, 16 décembre 2011

1 commentaire:

gabrielle a dit…

Pour échapper à l'impôt sur la fortune dans son pays, Tapie va investir en Belgique des dizaines de millions provenant de la poche de ses compatriotes. Ecoeurant.