mardi 22 septembre 2015

Tout va très bien, Madame la Marquise

C'est une région superbe, de bois, de rivières, d'étangs, de collines. On peut s'y promener des heures dans une nature qu'on croit préservée. Et qui souffre pourtant d'une pollution invisible: la radioactivité. Dans le nord de la Haute-Vienne en Limousin, on a pu compter jusqu'à septante mines d'uranium des années '50 au début des années 2000. La dernière a été fermée en 2001 à Jouac.
D'une tonne de minerai on extrait un kilo d'uranium. Les résidus ont été laissés sur place, le plus souvent enfouis. Prix de la production de 36.000 tonnes d'uranium en Limousin: 50 millions de tonnes de déchets abandonnés sur les lieux d'extraction. "La France est une poubelle nucléaire dont l'épicentre est le nord de la Haute-Vienne", déclare un habitant dans le reportage qu'Inès Léraud a consacré à ce scandale caché (1).
Des habitants, inquiets pour leur santé, se sont équipés d'un compteur Geiger, seul outil capable de déceler cette pollution si discrète. Sur le site d'une ancienne mine, celui des Vieilles Sagnes, ils comptent jusqu'à plus de 60.700 impulsions par minute. La radioactivité dans ce site, très lègèrement clôturé, sans aucune mise en garde, est trois fois plus importante que celle qu'on trouve à 300 mètres du sarcophage de Tchernobyl, affirme un ingénieur. Areva a curé le lac de Saint-Pardoux où la radioactivité dépassait de près de deux fois les normes autorisées. Les cours d'eau aident la radioactivité à se diffuser en aval. Un militant d'une association environnementale a relevé 35.000 becquerels au bord d'un ruisseau, le niveau naturel est de 200 et au-delà de 3.700 becquerels Areva est dans l'obligation de dépolluer. Mais l'entreprise reste sourde. Toutes les plaintes restent sans suite, affirme le naturaliste, le nucléaire est le seul domaine dans lequel les plaignants ne reçoivent même pas un accusé de réception. On est face à "un silence assourdissant", dit-il. "On a toujours respecté nos obligations", réplique-t-on du côté d'Areva dont un responsable estime qu'il n'y a pas d'impact sanitaire" et que "il fait bon vivre dans le Limousin à proximité des anciennes mines".
Un chercheur, chargé d'une étude préliminaire, affirme qu'il n'a pas relévé de phénomène grave, mais quand même certaines pathologies liées à des organes filtrants. Il pointe, entre autres à Bessines-sur-Gartempe, "une surincidence de cancers du foie, des reins et de la thyroïde". L'Institut de veille sanitaire a été saisi début 2012, mais aucune étude n'a été entreprise. "Pourquoi la radioactivité ne fait-elle pas partie des priorités du plan régional de santé publique en Limousin?, s'interroge l'auteur de l'étude préliminaire. L'uranium et le cancer sont des sujets compliqués en France, une thématique d'omerta".

(1) Emission Sur les docks: "Mines d'uranium: le Limousin face à son passé", diffusée sur France Culture le 3 septembre 2015.

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