lundi 26 octobre 2015

Des paroles, mais pas d'actes

Rien ne fonctionne mieux que les slogans en politiques. L'extrême droite en particulier, le sait, elle  qui réduit toute problématique à une déclaration à l'emporte-pièce. Mais le réel, dans sa complexité et les nuances qu'il implique, lui fait peur. C'est sans doute ce qui explique le défilement de la fille à papa devant l'émission "Des paroles et des actes" de France 2 jeudi dernier (1). Les paroles, elle maîtrise et sait que les plus courtes sont les meilleures; les actes, c'est tout autre chose. Devant les réactions outrées des autres partis qui trouvent que les médias lui accordent beaucoup trop de place et un appel du CSA à ouvrir plus largement les invitations en période pré-électorale, la production de l'émission avait décidé, en dernière minute, d'inviter sur le plateau de "Des paroles et des actes" les futurs adversaires de l'héritière aux élections régionales dans le Nord - Pas de Calais - Picardie. Elle a refusé de débattre avec eux et de participer à l'émission. Elle sait qu'elle sera, dans tous les cas, gagnante: participer à l'émission, c'est augmenter sa notoriété et la légitimité de son discours; ne pas y participer, c'est se positionner dans son rôle préféré: celui de victime, rejetée par le Système. Même si aucune autre personnalité politique n'a été autant qu'elle invitée dans cette émision: cinq fois. C'est que les médias ne peuvent se passer d'elle: tout comme son père, elle fait de l'audience.
Curieuse attitude néanmoins que ce refus pour quelqu'un qui dit ne craindre personne. Mais peut-être craint-elle chez ses adversaires une connaissance de terrain qu'elle n'a pas. "Marine Le Pen a réalisé que... le réel pouvait lui être très défavorable", écrit Jean-Philippe Moinet (2), "que la confrontation avec ses adversaires directs, de terrain en Nord - Pas de Calais - Picardie, pouvait jeter une lumière très crue sur ses approximations, ses généralités habituelles, et donc son infériorité. (...) C'est un signe. De faiblesse." Sans doute aurait-elle préféré qu'on la laisse sereinement déverser ses slogans, répéter son refus de ceux qu'elle appelle "clandestins", cracher son mépris pour tous les autres partis. Depuis quand choisit-on ses adversaires en politique? Depuis quand les élections, le jeu politique se passeraient-ils de débat d'idées, de projets, de points de vue, de confrontations? Son attitude est symptomatique d'un parti arrogant qui entend fixer lui-même ses propres règles (on se souvient du refus tout récent de la présidente du F.N. de se rendre à une convocation de la Justice), d'un parti qui fonctionne sur le culte du chef et qui ne cesse de dénoncer un système dont il profite bien et compte bien profiter au maximum. Témoin, cette candidature de l'héritière, présidente du parti et députée européenne qui entend bien devenir présidente de Région. Pour cumuler comme un vulgaire représentant de tous ces autres partis qu'elle désigne à la vindicte populaire.
"Beaucoup disaient Marine Le Pen bien plus modérée que son père"", écrit Jean-Philippe Moinet. "A voir... Son marketing de la xénophobie a surtout eu tendance, ces dernières années, à endormir ou à tétaniser ses adversaires." Il est urgent que ceux-ci se réveillent et fassent entendre d'autres voix. Fortes.

Cessez de rire, charmante Elvire
Les loups regardent vers Paris.
Albert Vidalie, "Les loups sont entrés dans Paris"

Post-scriptum: on peut ne pas être d'accord avec tout ce que dit Mourad Boudjellal, on le rejoint quand il affirme que seuls les charcutiers ont intérêt à voter Le Pen. Qui d'autre tirerait un bénéfice de voir une Région tomber entre les mains d'un parti de charlatans?
http://www.liberation.fr/france/2015/10/27/boudjellal-les-seuls-qui-ont-interet-a-voter-le-pen-ce-sont-les-charcutiers_1409096

(1) http://www.huffingtonpost.fr/jeanphilippe-moinet/marine-le-pen-dpda-complotisme_b_8366628.html?utm_hp_ref=france
(2) http://www.lalibre.be/culture/medias-tele/marine-le-pen-refuse-de-se-rendre-sur-france-2-elle-se-pose-en-victime-5629cf023570b0f19f9b48b7

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