dimanche 25 octobre 2015

Poison subventionné

Certains d'entre eux aiment se présenter comme les premiers écologistes. Mais un prophète affirmait que les premiers seraient les derniers. En ce qui concerne la majeure partie des agriculteurs, il semble avoir eu raison. On sait (1) combien la terre et les animaux sont devenus, pour trop d'entre eux, des matières traitées comme si elles étaient déjà mortes. Les méfaits de l'agriculture intensive ne paraissent pas les préoccuper et leur fuite en avant se poursuit. Ferme des 1000 vaches, ferme des 1400 veaux, ferme des 1000 truies ne sont que quelques exemples des délires industriels dans lesquels continue à s'engouffrer une agro-industrie qui a visiblement perdu tout sens commun et veut ignorer superbement les dégâts qu'elle engendre.
Parmi les lois qui régissent l'agriculture, il en est une qui impose aux éleveurs de déclarer tous les "flux d'azote produits, importés ou exportés" sur les exploitations agricoles. Les dépassements de flux peuvent entraîner des sanctions. Mais voilà que les quatre chambres d'agriculture bretonnes, établissements publics financés par l'impôt et gérés par le tout-puissant syndicat agricole FNSEA, appellent leurs adhérents à ne pas respecter cette règle. "Nous ne pouvons accepter ces mesures qui auraient pour impact économique une baisse d'environ 3% de l'excédent brut d'exploitation pour une ferme moyenne", affirment les chambres d'agriculture qui demandent à leurs membres de "ne pas remplir la déclaration de flux d'azote 2014-2015".
"Or, rappelle Fabrice Nicolino qui dénonce cette attitude (2), l'azote est à l'origine des nitrates. Or les nitrates polluent massivement les eaux douces avant de provoquer dans les estuaires et les plages de somptueuses bouillies vertes qu'il faut évacuer avant qu'elles se changent en hydrogène sulfuré, gaz mortel. Question mille fois posée: d'où vient ce foutu azote? Réponse itou: pour l'essentiel, de la merde des animaux prisonniers, comme les porcs, et des engrais azotés qu'on balance pour faire pousser le maïs industriel. Quand elle n'est pas contaminée, l'eau ne contient des nitrates que la trace: disons 0,1 mg par litre d'eau. Grâce à l'agriculture industrielle, elle compte maintenant en Bretagne 0,35 mg en moyenne avec des pointes à 200. Dès qu'une eau - celle des rivières ou des nappes - atteint 100 mg par litre, on n'a même plus le droit de la traiter pour en faire une eau potable."
La devise de la FNSEA doit être "après nous les mouches (s'il en reste)". Que nous reste-t-il à faire, face à une attitude aussi méprisante pour l'environnement, pour les voisins, pour les touristes, pour la société? Eviter les produits agricoles bretons qui ne soient pas certifiés bio? Ne plus se rendre en vacances en Bretagne?
Qui tue l'environnement? Qui tue la Bretagne? Qui tue l'agriculture? Sinon la FNSEA, premier syndicat agricole de France qui, depuis des décennies, entraîne ses adhérents dans une agro-industrie mortifère qui les pousse à s'endetter jusqu'au cou et à polluer sans sourciller. Elle donne raison au titre de l'ouvrage récent de Fabrice Nicolino dans lequel il s'attaque à "ce vaste merdier qu'est devenue l'agriculture".
Qui a encore envie de défendre cette industrie scandaleuse? Et quel gouvernement, quels politiques oseront, enfin, supprimer toute subvention à cette activité d'empoisonneurs?

(1) (re)lire sur ce blog:
- "Adieux veaux, vaches, cochons", 21 septembre 2015;
- "Les usines de l'agriculture", 3 mars 2015.
(2) "Les nitrates et les marées vertes, ils s'en cognent", Charlie Hebdo, 21 octobre 2015.
Le blog de Fabrice Nicolino: http://fabrice-nicolino.com

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