mardi 8 mars 2016

Quoi, ma gueule?

Les violences faites aux femmes restent extrêmement nombreuses et toujours inexcusables. Peu de pays sont épargnés. Partout, des hommes ne peuvent s'empêcher de penser, et parfois d'affirmer, que leur femme leur appartient, qu'elle est à leur disposition et qu'ils ont sur elle tous les droits. Y compris celui de la frapper si elle n'agit pas comme ils l'entendent. Les religions n'ont jamais été très féministes. C'est un euphémisme de le dire. Certaines ne reconnaissent des droits qu'aux seuls hommes,   ne concédant aux femmes que ceux de mettre au monde des enfants et de faire la cuisine. Sacré  projet de vie!
Les lois sont faites par et pour les hommes et les tribunaux leur donnent systématiquement raison, même en cas d'agression. C'est que constatent des femmes afghanes, iraniennes ou somaliennes (1).
48 % des migrants sont des femmes. Elles sont les cibles de violences diverses, violées par leur mari, par leurs collègues, par des hommes qu'elles croisent, migrants, passeurs, policiers,  enrôlées de force, mariées de force, excisées. En Arabie saoudite, un congrès tout récemment s'est penché sur la question de savoir si la femme est une personne humaine, signalait  en cette journée internationale des droits des femmes la journaliste et écrivaine Fawzia Zouari (2)
C'est dans ce contexte qu'un jeune chanteur  qui se fait appeler Orelsan écrit et chante des textes d'une violence inouïe. On appelle cela de l'art. Pas de l'art brut, mais l'art de brute. Epaisse.
Extrait d'un morceau qu'il a intitulé "Sale pute" dans lequel un homme s'adresse à sa compagne qu'il a surprise avec un autre;
" Je rêve de te voir imprimée de mes empreintes digitales (...)
On verra comment tu fais la belle avec une jambe cassée
On verra comment tu suces quand j'te déboiterai la mâchoire
T'es juste une truie tu mérites ta place à l'abattoir. (...)
J'vais te mettre en cloque (sale pute)
Et t'avorter à l'opinel." (3)
La chanson est longue et le reste du même tonneau, d'une brutalité qu'on croyait condamnable. Alors qu'il n'en est rien. C'est qu'on a affaire là à de l'art parfaitement respectable. Ainsi en a jugé la cour d'appel de Versailles. Le chanteur avait été condamné en première instance pour "provocation à la violence", suite à une plainte déposée par des associations féministes pour des propos violents à l'égard des femmes dans plusieurs de ses chansons. Cette fois, il a été relaxé, la cour estimant qu'il faut respecter "des modes d'expression, souvent minoritaires, mais qui sont aussi le reflet d'une société vivante et qui ont leur place dans une démocratie" (4). 
La femme qui se verra casser la jambe ou déboîter la mâchoire le devra donc à "une société vivante". Après tout, le cassage de gueule a été de tous temps un mode d'expression. 

(1) Arte Journal, 8 mars 2016, 19h45.
(2) "28 minutes", Arte, 8 mars 2016 - lire l'excellent texte de Fawzia Houari:

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