jeudi 17 mars 2016

Les rustres du XVIe

Les "affreux, sales et méchants" ne sont pas ceux que l'on pense. Des habitants du "saazième" arrondissement de Paris sont venus hurler, en costume cravate et manteaux de fourrure, leur haine des sans abri lors d'une réunion d'information. La mairie de Paris va créer à l'entrée du bois de Boulogne un centre d'accueil d'urgence pour deux cents personnes. Totalement inacceptable pour un millier de personnes dont le principal argument se résume au coût élevé de leur appartement. Peut-on tolérer de voir des sdf depuis un logement payé six cents mille euros? A ce prix-là, on a le droit de ne pas voir la misère.
Les insultes et grossièretés ont fusé à l'adresse de la maire de Paris, absente lors de ce débat, de l'un de ses adjoints, de la préfète de Paris et du recteur de l'université de Paris-Dauphine qui accueillait ce qui devait être une rencontre et s'est transformé en concours de crachats. "Dégage!", ont crié au recteur les voisins en colère, alors qu'ils étaient chez lui. Chez ces braves gens du XVIe,  la grossièreté le dispute à l'irrespect. Le bois de Boulogne n'est pas constructible, hurlent les opposants. Pourtant, leur fait-on remarquer (1), une dizaine de leurs clubs sélects y ont été érigés. Oui, mais en toute légalité, répondent-ils. Le centre d'accueil sera tout aussi légal. Mais cette légalité-là, ils n'en veulent pas. Un sans abri est-il légal?
On se pose une question: a-t-on demandé aux sdf s'ils ont envie de se réfugier dans un quartier de rustres braillards, égoïstes et mal éduqués?

(1) interview de Monique Pinçon-Charlot, Journal, France Inter, 16 mars 2016, 13h
et http://www.liberation.fr/france/2016/03/17/le-xvie-est-l-arrondissement-de-l-entre-soi-bourgeois_1440315

http://www.leparisien.fr/paris-75/paris-75016/insultes-en-pagaille-a-la-reunion-sur-le-centre-pour-sans-abri-du-bois-de-boulogne-14-03-2016-5626601.php
http://www.liberation.fr/france/2016/03/15/insultes-vociferations-des-habitants-du-xvie-dechaines-contre-un-centre-pour-sdf_1439624

1 commentaire:

Grégoire a dit…

Est-ce le terme "rustres" qui a évoqué dans un premier temps chez moi le XVIème siècle et non l'arrondissement...?
Michel Onfray (désolé d'y faire référence aussi souvent, mais chacun ses faiblesses) parlait naguère de "misère sale", celle qui se trouve sur nos trottoirs, dans nos centre villes, gares, centres commerciaux, celle aussi qui se cache par pudeur, le pauvre "occidental" ne pouvant parfois s'empêcher de penser comme ceux qui le regardent, entre peur et dégoût, qu'il est aussi responsable de sa situation, et en conséquence, il se cache, et se fait le plus discret possible jusqu'à ce que sa situation ne le lui permette plus. M. Onfray lui opposait la "misère propre", celle qui (sur)vit sous le soleil à 3000 km de la France, et qui est plus photogénique lorsqu'il s'agit de glisser des dépliants dans nos programmes tv. Jusqu'à quand devra-t-on attendre pour voir des sans-abris (appelons les gens par leurs états) s'inviter - de force - chez les "bourgeois" du XVIème arrondissement et mettre en pratique le troisième mot, le dernier donc, mais quel mot!, que l'on voit gravé sur chaque façade de chaque mairie de France : Fraternité.
Pendant ce temps-là, la France décore le prince héritier d’Arabie saoudite, Mohammed Ben Nayef, également ministre de l’intérieur. Il faut chercher l'info, mais lorsque j'ai écouté la chronique de Sophia Aram, je crois, et ce n'est sûrement pas lui faire offense, que P. Desproges ne l'aurait pas reniée.