jeudi 1 mars 2012

Vivement l'heure d'été

La triste "burqa pride" de l'ULB continue à faire des vagues. Certains profitent de l'occasion pour régler leurs comptes. Notamment avec Caroline Fourest qu'ils ne supportent décidément pas. C'est le cas d'Investigaction, tant sûre d'être l'expression de la vérité face aux "Mediamensonges", qui tente de renverser la vapeur: la coupable, c'est bien la journaliste française, pas ses censeurs qui étaient juste des galopins chahuteurs. Ils s'y mettent à cinq pour sonner la charge. Haro sur l'infidèle, la blasphématrice.
C'est le cas aussi de Pascal Boniface. Le Vif (1) pose la question: "Peut-on encore critiquer l'islam?". La réponse est évidemment affirmative. Mais Pascal Boniface, qui y est interviewé, classe Caroline Fourest parmi "les intellectuels faussaires": "sous couvert d'une dénonciation générale de tous les intégrismes, elle cible surtout les musulmans, parce qu'elle sait que c'est médiatiquement porteur", dit-il.
Pascal Boniface a-t-il lu Caroline Fourest? On se le demande. Elle a écrit des ouvrages tels que "Frère Tariq", oui, où elle démontre le danger des doubles discours du prédicateur qui joue les chevaux de Troie des Frères musulmans, tant aimé des islamo-gauchistes pour qui l'islam est intouchable. Même dans ses errements islamistes aux relents fascistes. Mais Caroline Fourest a aussi écrit "Foi contre choix - La droite religieuse et le mouvement prolife aux Etats-Unis". Avec Fiammetta Venner, elle a écrit "Les nouveaux soldats du pape - Légion du Christ, Opus Dei, traditionnalistes" ou encore "Tirs croisés - La laïcité à l'épreuve des intégrismes juif, chrétien et musulman". Mais certains ne veulent connaître que ses critiques de l'islamisme qu'ils refusent de distinguer de l'islam, alors même que c'est tout l'enjeu de ses analyses.
Pascal Boniface, dans le Vif toujours, estime que "les amalgames entre islamistes, terroristes et musulmans sont fréquents". Donnant en fait par là raison à Caroline Fourest et indiquant qu'il ne veut connaître d'elle que ce qu'il a envie d'en dire.
Qui lit et écoute ses chroniques (2), qui lit Pro Choix (3), saisit les nuances et le discours universaliste et profondément antiraciste et antifasciste, comprend que, tout en respectant les religions, elle se bat contre celles, toutes celles qui veulent imposer par la force ou la menace leurs règles dans la sphère publique. Mais visiblement, allez savoir pourquoi, les nuances dérangent. Qui n'est pas avec moi est contre moi, avait dit un prophète.
L'accusation d'islamophobie est aujourd'hui utilisée à la moindre occasion. Critiquez Saint Tariq, critiquez la burqa, critiquez les délires obscurantistes de certains imams, critiquez la violence commise au nom d'un dieu quelconque et vous y avez droit. On sera bientôt qualifié de blasphémateur par ceux qui, maniant l'art de la contradiction, prétendent lutter pour que tout être humain puisse être autonome.
Dans "La tentation obscurantiste" (4), Caroline Fourest écrit que "ceux qui pensent que le déclin de l'empire américain annonce la revanche de la guerre froide se trompent. Aujourd'hui, ce sont les intégristes musulmans qui, partout dans le monde, incarnent cette bipolarité. Ce sont eux qui triompheront si des progressistes leur déroulent le tapis rouge. Qu'ils le fassent par naïveté, par crétinisme, par cynisme ou par stratégie, ceux-là sont en train de contribuer à fortifier le troisième totalitarisme de l'ère contemporaine".
Dans le même numéro du Vif, Edouard Delruelle, philosophe et directeur adjoint au Centre pour l'Egalité des Chances et la Lutte contre le Racisme, affirme que "Caroline Fourest n'est pas islamophobe. Elle est d'ailleurs un bon exemple de personnes qui doivent pouvoir s'exprimer sur ces questions. J'ai lu ses écrits, elle dénonce, parfois de façon virulente, tous les obscurantismes, sans stigmatiser l'islam ni inciter à la haine envers les musulmans".
Quant à Jean-Philippe Schreiber, directeur du Centre interdiscipliaire d'étude des religions et de la laïcité, il considère qu'à l'ULB, "c'est plus un obscurantisme politique que religieux qui s'est exprimé ce mardi noir". Mais cet obscurantisme a des supporteurs qui luttent contre les médiamensonges et connaissent, eux, la vérité.
On a le droit de traiter ses confrères de faussaires. Encore faudrait-il s'assurer qu'on ne s'appuie pas, pour ce faire, sur une analyse tronquée. Au risque d'apparaître comme un homme de mauvaise foi. Un faussaire de débat. Amen.

(1) 24 février 2012
(2) http://carolinefourest.wordpress.com
(3) www.prochoix.org/cgi/blog
(4) C. Fourest, La tentation obscurantiste, Grasset, 2005

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