mercredi 27 avril 2022

Et maintenant ?

Le (la) pire a été évité(e), mais la France est divisée en deux. Villes d'un côté, campagnes de l'autre, ouverture contre fermeture, dynamique contre conservatisme. Mais ces dichotomies sont trop caricaturales. Il y a, heureusement, des villages dynamiques, Carnet de campagne, émission de France Inter, en apporte la preuve chaque jour. L'Etat providence a joué son rôle plus que jamais pendant la pandémie, mais le sentiment d'abandon s'est répandu en milieu rural. Il est de bon ton d'y râler, d'y affirmer que le gouvernement n'a rien fait. Les gens espèrent du changement avec la fille à papa, mais les idées nouvelles sont régulièrement rejetées parce que "on a toujours fait comme ça". L'émotion, l'irrationnel, la grogne se sont glissées dans les urnes. On vote plus contre que pour.
Il faut écouter cette France-là, nous dit-on. Mais quel message envoie-t-elle ? Qu'elle ne sera jamais satisfaite ? Qu'elle voudrait en revenir au bon vieux temps ? Hier soir, dans le Journal de France 3, deux jeunes femmes expliquaient avoir voté Le Pen pour leur retraite. Un homme parce qu'il reproche à Macron le prix des carburants. Dans La Nouvelle République, on lit que dans un village indrien tel chef d'entreprise a voté Le Pen parce qu'on accueille des Ukrainiens alors que les Français sont abandonnés. La patronne du bar-restaurant le soutient, affirmant qu'elle n'est pas raciste, mais "patriote". 
Ici, 53 % des électeurs ont choisi Le Pen. Quelle explication dans un village de moins de 500 habitants qui regrettent le temps où il y en avait 2000, mais ont peur des étrangers et du changement. Ici, les quelques étrangers sont anglais et le conservatisme pèse lourdement sur la vie locale.

L'entreprise de dédiabolisation de l'Héritière a fonctionné. Comme le dit l'humoriste Naïm, Gargamel s'est transformé en schtroumpfette qui fait des photos avec les gens dans la rue et publie des photos de ses chats. Qu'elle n'ait pas de projet sérieusement étayé, qu'elle change de position constamment, qu'elle apparaisse mal armée dans le débat d'entre deux tours importe peu. "C'est faux", cette phrase qu'elle a répétée comme un mantra durant le débat semble être devenue son slogan. Elle a pris des leçons chez Trump : nier systématiquement ce qui vous met en difficulté. Mais effectivement tout sonne faux chez elle, son sourire autant que ses propositions et ses positions. Qu'importe ?, puisqu'elle va améliorer le pouvoir d'achat de tous les Français.

Un constat à partir des résultats du premier tour : les quatre premiers (Macron, Le Pen, Mélenchon, Zemmour) sont, chacun à sa manière, des bêtes de scène et des personnalités fortes qui ont créé (ou transformé) un parti pour les soutenir, au service de leur ascension. Comme le dit le politiste Rémi Lefebvre (1), ce n'est plus le parti qui fabrique le candidat, c'est le candidat qui fabrique son parti personnel. Dans le même temps, les candidats choisis par les partis politiques n'ont obtenu que des scores ridicules. L'heure est aux vedettes et aux forts-en-gueule sûrs d'être des sauveurs, pas aux projets collectifs. Le système français est conçu pour élire un roi. Ou, vu sa structure pyramidale, un pharaon.
La démocratie vacille, ici comme ailleurs. Comment la repenser, la redynamiser, la faire évoluer ? Le chantier semble gigantesque.

(1) "L'ère du seul en scène", Télérama, 20.4.2022.

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