samedi 23 avril 2022

Pour ceux qui douteraient encore

Quelques réflexions encore pour la route qui n'est plus qu'une dernière ligne droite.

Appel de la Fondation Abbé Pierre (1)
La Fondation Abbé Pierre se dit profondément inquiète par la perspective de voir Marine Le Pen accéder à la présidence de la République. Valeur essentielle pour cette fondation : l'inconditionnalité de l'accueil des personnes en souffrance. Elle serait profondément remise en cause par la préférence nationale qui limiterait l'accès de tout un pan de la population au logement social, aux aides sociales, aux prestations familiales. Le pays, qui a besoin d'unité pour affronter tous les défis, serait plus divisé encore qu'il ne l'est. La Fondation appelle dès lors à voter Macron, sans que cet appel ne vaille blanc-seing. "Ces cinq dernières années n'ont pas été à la hauteur en matière de lutte contre les exclusions, contre la pauvreté, contre les inégalités, contre le mal logement. Aussi nous saurons rappeler autant de fois que nécessaire le futur président de la République à ses responsabilités pour plus de solidarité et pour protéger les plus fragiles d'entre nous."

Appel du Monde (extraits) - excellent éditorial de Jérôme Fenoglio, directeur du Monde, qui renvoie chacun à ses responsabilités (2)
" Dimanche, il n’existera qu’une seule manière de contribuer à éviter que la candidate d’un parti d’extrême droite, Marine Le Pen, accède au pouvoir : c’est de voter pour son adversaire, Emmanuel Macron, quelles que soient les erreurs qu’il a commises au cours de son premier mandat, quels que soient les griefs que l’on peut former contre sa politique, quelle que soit sa responsabilité dans la présence du Rassemblement national (RN) à ce second tour. Ni le vote blanc ni l’abstention ne seront d’une quelconque utilité pour préserver notre pays de l’irrémédiable.
Pour décrire ce qui pourrait advenir si Marine Le Pen devenait présidente de la République, la comparaison avec la Hongrie de son inspirateur, le premier ministre Viktor Orban, a été souvent utilisée. De fait, l’érosion de la liberté de la presse, l’abaissement de l’Etat de droit, l’affaiblissement des institutions seraient bien à l’ordre du jour.  (...)
Pour mesurer les risques encourus, il faut regarder un peu plus à l’est du continent, du côté de la Russie de Vladimir Poutine, à laquelle Mme Le Pen s’est liée par son admiration proclamée à maintes reprises, et par un emprunt bancaire. Il faut considérer la triple impasse dans laquelle le despote a enfermé son pays. Le nôtre serait soumis au même clanisme d’une clique centrée sur ses propres intérêts, qui a toujours procédé par des purges pour garder le contrôle de sa petite entreprise politique familiale. Il serait voué au même isolement international, que le rapprochement avec des gouvernements populistes, suggéré par Mme Le Pen, ne compenserait pas bien longtemps. Il suffit de constater à quelle vitesse la Pologne vient de s’éloigner de la Hongrie, après l’agression de l’Ukraine, pour se convaincre que ces conglomérats d’égoïsmes nationaux ne restent jamais cohérents. Enfin, notre pays serait exposé aux mêmes ferments de haine et de violence contre des pans entiers de sa population."

Poutine, un modèle
Beaucoup de téléspectateurs du débat de mercredi ont découvert avec surprise que le parti de la fille à papa avait trouvé un financement en Russie. Marine Le Pen a toujours été fascinée par Poutine, ce qu'elle tente de nier depuis le début de la guerre d'Ukraine. Mais les faits sont têtus. Le Monde les rappelle (3).
"Je ne cache pas que, dans une certaine mesure, j'admire Vladimir Poutine. (...) Nous devons développer des relations avec Moscou, nous partageons de nombreux intérêts communs, tant sur le plan civilisationnel que stratégique" (interview au journal russe Kommersant, 13.10.2011).
En septembre 2015, Vladimir Poutine et ses troupes interviennent en Syrie. Les Occidentaux soupçonnent l'armée russe de cibler surtout les opposants à Bachar Al-Assad. La France ouvre une enquête pour « crime contre l'humanité » visant les actes de torture commis par le régime Assad. Réaction de MLP : " Ces doutes exprimés sur les frappes russes, de la même manière que l'enquête lancée en France, participent de la décrédibilisation de l'action menée par Vladimir Poutine. La France aurait dû faire ce que la Russie est en train de faire" (interview sur Europe 1, 1.10.2015).
En 2014, la Russie annexe d'autorité la  Crimée. "Je ne crois absolument pas qu'il y a eu une annexion illégale de la Crimée : il y a eu un référendum, les habitants souhaitaient rejoindre la Russie" (interview sur BFMTV, 3.1.2017).
En février, 2021, l'opposant russe Alexeï Navalny est condamné à trois ans et demi de prison : la justice lui reproche d'avoir violé son contrôle judiciaire, alors qu'il est parti se soigner en Allemagne après son empoisonnement au Novitchok par une équipe d'agents secrets russes. Réaction de MLP :  "On va avoir du mal à demander à la justice d'un pays étranger d'opérer la relaxe de quelqu'un [Alexeï Navalny]. En revanche, je demande à la Russie d'être attentive aux droits de la défense de M. Navalny, qui a été jugé pour avoir été à l'encontre de son contrôle judiciaire. (...) Donc tout ça n'a pas grand chose à voir avec la politique" (interview sur BFMTV/RMC, 5.2.2021).
Février 2022, les mouvements des troupes russes à la frontière ukrainienne font craindre le pire. MLP se veut rassurante : "Je ne crois pas du tout que la Russie ait le souhait d'envahir l'Ukraine" (interview sur BBC News, 8.2.2022).
Par ailleurs, Le Monde rappelle que "la présidente du RN s’est rendue au moins à quatre reprises en Russie depuis 2013, en recevant à chaque fois les honneurs du régime", accueillie trois fois à la Douma, le parlement russe, puis par le tsar Poutine. Le quotidien rappelle la longue liste des résolutions votées par le Parlement européen, condamnant le non respect des droits de l'homme par la Russie et contre lesquelles ont systématiquement voté les élus du RN. Le Monde liste aussi les proches de MLP qui entretiennent des liens étroits avec la Russie et analyse les liens financiers du RN avec la Russie et les contreparties qu'on peut soupçonner. Ces liens avec la Russie mettent à mal la volonté souverainiste de la candidate du RN.

Suffisance contre insuffisance
L'attitude d'Emmanuel Macron semble définitivement qualifiée de prétentieuse ou d'arrogante par ses adversaires. Mais on pourrait élargir à d'autres ces adjectifs : toute personne qui maîtrise son sujet apparaît aujourd'hui arrogante et donneuse de leçon. Surtout quand la personne en face est brouillonne et fait la preuve de son incompétence. Comme le disait Benoît Forgeard (4), le débat d'entre deux tours, c'était "suffisance contre insuffisance". C'était aussi prétention contre prétention. Le président sortant est vu comme prétentieux, mais Marine Le Pen l'est au moins autant, elle qui s'identifie à son pays. Le choix est simple, ose-t-elle dire : c'est ou Macron ou la France. "Je suis la porte-parole des Français", a-t-elle déclaré lors du débat. Ne serait-ce pas de l'arrogance que de croire qu'on peut à soi seul représenter tout un peuple dans sa diversité et malgré les divisions qu'on a soi-même créées ?

(2)  "Empêcher le pays de se défaire" - https://www.lemonde.fr/idees/article/2022/04/22/empecher-le-pays-de-se-defaire_6123258_3232.html

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