jeudi 31 octobre 2024

Démocratie manipulée

Dans cinq jours, on saura qui présidera les Etats-Unis durant les quatre prochaines années. On craint le pire, tant les électeurs américains, comme beaucoup d'autres dans le monde, semblent aujourd'hui prêts à choisir le pire candidat. Le pire étant ici une horreur absolue. De nombreux électeurs républicains ont fait le choix de voter pour Kamala Harris pour faire barrage à l'affreux. Mais d'autres voteront pour lui en toute connaissance de cause. Interviewée à la télévision récemment, une électrice républicaine affirme détester Trump mais lui donnera quand même sa voix pour rester fidèle à ses valeurs. Quelles valeurs ? Choisir Trump, c'est choisir le racisme, le sexisme, la brutalité, le mensonge, le mépris des autres et de l'Etat de droit, la suffisance, le pouvoir de l'argent. C'est aussi pactiser avec Poutine, laisser annexer une partie de l'Ukraine par la Russie, soutenir les pires dictateurs, tourner le dos à la démocratie.

Certains estiment qu'il ne serait pas étonnant - au vu de la manière dont Trump défend Poutine et la Russie depuis des décennies - que le milliardaire soit tenu par un chantage exercé sur lui par le maître du Kremlin (1). Selon l’ancien procureur adjoint de New York, ­Kenneth McCallion, l'agent immobilier Donald Trump, en difficulté financière dans les années '80, a accepté des valises de cash de la mafia russe. Depuis, les aides russes aux campagnes de Trump ont été nombreuses et les élus républicains sont nombreux à prendre des positions favorables à la Russie. "Nous sommes nombreux à nous demander si ces républicains qui adoptent des positions étranges sur la Russie n’ont pas été payés ou soumis à d’autres formes de ­persuasion », affirme John Bolton qui fut conseiller à la sécurité nationale sous l'administration de Donald Trump en 2018-2019. "Le plus inquiétant, pense Antoine Vitkine, est que, si Trump revient au pouvoir, il pourra cette fois s’appuyer sur un camp républicain devenu majoritairement hostile à l’Ukraine. Et contrairement à 2017, il pourra compter sur un électorat acquis à son tropisme russe. Selon un sondage YouGov, Vladimir Poutine est encore plus populaire aujourd’hui qu’avant l’invasion dans l’électorat républicain, fasciné par cette figure autoritaire et ultraconservatrice."
Quoi qu'il en soit, la suffisance et l'inculture d'Ubu Trump le rendent totalement manipulable. 

Manipulable et aidé par une armée de manipulateurs. Le mois dernier, relate Charlie Hebdo (2), six you(en)tubeurs américains ont été arrêtés. Ils avaient été engagés par une chaîne pour réaliser des vidéos commentant l'actualité américaine. Dans l'une d'elles ils attribuaient un attentat islamiste à l'Ukraine. Les responsables de ce média dit alternatif étaient payés par Russia Today, porte-voix du Kremlin. La Russie utiliserait plus de 2800 influenceurs dans plus de 80 pays. Pour eux, l'argent n'a pas d'odeur.
Un Américain réfugié à Moscou, John Marc Dogan, a créé plus de 160 sites web et publié plus de 50.000 messages. Parmi eux, un site présenté comme le site officiel de Kamala Harris dans lequel celle-ci annoncerait vouloir ouvrir totalement les frontières, donner des papiers à tous les migrants et 500 milliards d'aide à l'Ukraine. Tout est faux, mais a de quoi faire un peu plus peur encore aux conservateurs.
Quant au GRU, service de renseignement militaire russe, il aurait mis en place plus de 270 médias relais d'information en ligne pour diffuser de la propagande anti-ukrainienne et pirater la campagne des Démocrates.
Ces médias dits alternatifs et les réseaux prétendument sociaux étaient vus, à leur naissance, comme des outils de démocratisation de l'information. Ils sont aujourd'hui de puissants vecteurs de lutte contre la démocratie. 
Ajoutons à tout ce fatras Elon Musk qui achète les votes en organisant une tombola hebdomadaire pour offrir un million de dollars à tout électeur qui s'est engagé pour son ami Trump et on voit qu'on se trouve face à une démocratie très vacillante.

En France, une enquête récente d'Ipsos indique que 31% des moins de 35 ans estiment que la démocratie n'est pas le meilleur système politique. Les affreux ricanent.

(1) Antoine Vitkine notamment dans un long article intitulé "Danse avec le tsar" et publié dans Franc-Tireur  : https://www.franc-tireur.fr/donald-trump-danse-avec-le-tsar 
Antoine Vitkine a réalisé  “Opération Trump. Les espions russes  à la conquête de l’Amérique” pour France 5.
(2) Lorraine Redaud et Yovan Simovic, "Ingérence russe - Trump l'œil électronique de Moscou", Charlie Hebdo, 30.10.2024.



samedi 26 octobre 2024

Simon Fieschi

Il s'était redressé. ll avait même tenu à témoigner debout à la barre aux procès des tueurs de l'équipe de Charlie Hebdo dont il était membre. Le 7 janvier 2015, il avait pris une balle de kalachnikov dans la moelle épinière et les médecins étaient convaincus qu'il ne pourrait plus jamais marcher. Ils ne le connaissaient pas encore. Ils ne connaissaient pas sa volonté et son humour salvateur. Il ne serait jamais une victime. Mais un survivant. Simon Fieschi vient de mourir à quarante ans. Il aura survécu près de dix ans à l'agression de ces prétentieux agressifs qui pensaient devoir venger leur prophète. Le webmaster de Charlie aura vécu près de dix ans de plus qu'eux. Dans une douleur permanente, mais avec un sens de l'humour intact. Ce dont témoignent tous ses collègues du journal dans les huit premières pages du dernier numéro de Charlie. Il n'arrivait plus à faire de doigt d'honneur. La bande de Charlie lui a promis de les faire pour lui : "dix ans de doigt d'honneur au terrorisme".  

"Son humour, sa concision, sa tendresse sont toujours là", écrit Philippe Lançon. "J'aimais ses échappées de rire, son regard malicieux", confie Natacha Devanda. Lorraine Redaud salue "sa facilité à manier les mots. A l'oral, à l'écrit, en visio, devant un café ou un clavier, Simon était imbattable". Comme d'autres, Guiduch raconte comment Simon avait, au tribunal récemment, obligé Peter Cherif à regarder les images du massacre qu'il avait commandité. "Cherif s'était défilé. Il avait refusé de regarder ses crimes en face. Le masque tombait. Cette lâcheté, pour Simon, c'était sa victoire. Son sentiment, c'est qu'il avait défié son assassin en duel singulier et qu'il l'avait vaincu."
"Charlie n'oublie pas Simon ni les autres, écrit Biche. Charlie n'oublie pas non plus ceux qui ont oublié, et qui continuent de manger dans la main de ceux qui arment les kalachnikovs. Ceux qui alimentent le terrorisme par leur silence, par leur paresse et par leur lâcheté intellectuelle."

Simon Fieschi se rendait dans les écoles, parlait, avec pédagogie et humour, aux jeunes de la liberté d'expression, de la laïcité, du terrorisme. "Tu gardais espoir en tes frères humains", écrit l'éditrice Cécile T. "Tu étais celui qui rassemblait. Grâce à toi, l'humanité était un peu plus fréquentable".
Grâce à l'humour, le monde l'est aussi. Il faudrait le dire aux terroristes de tous poils. 

Charlie Hebdo, n°1683, 23.10.2024.

vendredi 25 octobre 2024

Mémoires d'un jeune coq

Le président du Front du rassemblement national a eu une vie bien remplie. Il faut croire qu'elle est derrière lui, puisqu'il publie ses mémoires. A 29 ans. Ce parti aux idées d'un autre temps fait vieillir vite.

lundi 21 octobre 2024

Des nouvelles de la France profonde (et viandarde)

Les médecins et tous les spécialises en santé nous invitent à manger moins de viande. Surtout de la viande rouge.  Sa consommation excessive est dangereuse pour la santé. Plus les appels se répètent, plus se multiplient, à la télé comme à la radio, les publicités pour la viande.
Un restaurateur des Deux-Sèvres fait plus fort encore : il propose un menu dont tous les plats sont à base de viande de bœuf (1). Même le dessert.
Du bœuf en cinq petites entrées, puis une pièce de bœuf en pâte feuilletée avec des épinards, et enfin une charlotte au bœuf et fruits rouges en dessert. On ne sait ce qu'il propose en apéritif. Un sirop de sang de bœuf ? Ne manquent qu'un sorbet à la viande hachée et, plus difficile, un fromage au boudin.

Voilà des nouvelles de la France profonde. Mais comment appelle-t-on l'autre France ? La France légère, la France de surface, la France superficielle ?

(1) https://www.lanouvellerepublique.fr/deux-sevres/commune/scille/deux-sevres-un-diner-au-boeuf-de-l-entree-jusqu-au-dessert

samedi 19 octobre 2024

Aveuglés par leur ego

Sinouar aura été un aussi piètre stratège que Poutine. Quoi qu'ils en pensent, il ne suffit pas de se prendre pour un grand homme pour l'être. Comme bien d'autres, l'un comme l'autre ont le sang de leurs compatriotes sur les mains. Et ils ont exacerbé le nationalisme chez ceux qu'ils voulaient anéantir.
Poutine pensait prendre en trois jours l'Ukraine. Il est responsable de centaines de milliers de morts dans les deux camps et surtout dans le sien (1).
Sinouar pensait que son attaque du 7 octobre 2023, d'une ampleur et d'une violence inédites, allait entraîner dans sa guerre le Hezbollah et l'Iran et que son grand rêve allait se réaliser : la destruction de l'Etat d'Israël. Et c'est Gaza qui est à terre et ce sont plus de 40.000 Gazaouis qui ont été tués. "Rétrospectivement, sa décision de lancer une attaque surprise contre Israël avec pour ordre de tuer, torturer et violer des civils – hommes, femmes, enfants ou bébés – aura été le fruit de son aveuglement, écrit Yossi Melman dans le quotidien israélien Ha'Aretz (2). Ce fut une erreur fatale. Contrairement à ce qu’il croyait, l’Iran et le Hezbollah ne l’ont pas rejoint dans sa tentative de détruire l’État hébreu, préférant opter pour une guerre d’usure en demi-teinte. Il ne restera pas dans les livres d’histoire tel qu’il l’espérait, c’est-à-dire comme un Saladin moderne ayant libéré les musulmans du joug des hérétiques pour leur rendre dignité, mais plutôt comme un nom de plus sur la longue liste des dirigeants palestiniens ayant attiré de nouvelles calamités sur leur peuple."

Rien n'indique que cette mort puisse signer la fin de la guerre. Ha'Aretz rappelle la longue liste de noms de dirigeants et de chefs d’organisations terroristes (Hamas, Hezbollah, Djihad islamique palestinien) qui ont tous été tués par l’armée israélienne. "Pourtant leurs organisations, malgré les nombreux revers infligés, continuent de prospérer, motivées par cette idéologie islamiste délétère. On dit que les cimetières sont remplis de gens irremplaçables. Et Yahya Sinwar va sans aucun doute être remplacé par son frère Mohammed, un chef du Hamas, qui est toujours à Gaza."

Le quotidien israélien voit deux conséquences probables à cette mort.
Faute d'interlocuteur à Gaza, il est probable que les derniers otages (une centaine, mais sans doute seulement une dizaine encore en vie) soient exécutés par vengeance. "L’autre conséquence, c’est que la possibilité d’un cessez-le-feu et de négociations s’éloigne encore davantage. Il sera très tentant pour Nétanyahou et son cabinet d’extrême droite de prendre le contrôle total de Gaza pour ensuite l’annexer et, comme nous l’a montré l’histoire de la Cisjordanie, construire de nouvelles colonies juives et confisquer les terres palestiniennes." Mais surtout, écrit encore Yossi Melman, "la mort de Sinwar va conforter Nétanyahou dans son ego démesuré et sa folie meurtrière. Il n’a aucune envie de mettre fin à la guerre à Gaza et au Liban, quel que soit le prix à payer pour les jeunes Israéliens au quotidien. Sous Nétanyahou, la société israélienne, qui a perdu, au cours de l’année écoulée, plus de 1 700 civils et soldats et était connue pour son attachement à la vie humaine, est devenue insensible. Nétanyahou et sa secte ont forgé le slogan “Victoire totale” mais, pour eux, cela veut surtout dire “Pouvoir total”."

(1) Le Wall Street Journal évaluait à la mi-septembre à un million le nombre de morts et blessés russes et ukrainiens en deux ans et demi de guerre, avec plus de deux fois plus de morts russes qu’ukrainiens : 80 000 morts et 400 000 blessés côté ukrainien et (autre évaluation, moins précise) côté russe, 200 000 morts et 400 000 blessés.
(2) https://www.courrierinternational.com/article/vu-d-israel-la-mort-de-yahya-sinwar-risque-d-aggraver-le-chaos-a-gaza_223536
A lire aussi : https://www.lemonde.fr/idees/article/2024/10/18/mort-de-yahya-sinouar-un-succes-militaire-une-opportunite-politique_6355110_3232.html



vendredi 18 octobre 2024

Mort du boucher

Ça y est, Yahya Sinouar, l'homme qui est responsable de la mort de dizaines de milliers de Palestiniens et d'Israéliens, a été tué. "Architecte" (comme écrit Le Monde) de l'attaque du 7 octobre, il a précipité toute la région dans une guerre des plus meurtrières. 
Formé par les Frères musulmans et proche du fondateur du Hamas, Ahmed Yacine, il crée à la fin des années '80, avec d'autres militants radicaux "le premier appareil de renseignement et de sécurité du mouvement islamiste palestinien, qui sera nommé « Al-Majd », « la gloire ». Le groupe se consacre à la chasse aux Palestiniens collaborant avec Israël et lutte plus largement contre tous ceux qui dévient trop ouvertement de l’idéologie islamiste de l’organisation. Son but : renforcer l’organisation de l’intérieur, quitte à interroger, torturer et tuer lui-même ses victimes, comme il s’en est vanté auprès des Israéliens – et qui lui a valu son surnom, « le Boucher de Khan Younès », sa ville d’origine." (1)
"À peine âgé d’une vingtaine d’années, il était déjà connu pour sa cruauté et son sadisme, écrit Ha'Aretz. Il s’était fait une spécialité de torturer des Palestiniens soupçonnés de collaborer avec Israël. En 1988, il avait été condamné à la prison à perpétuité pour le meurtre non pas d’ennemis israéliens, mais de Palestiniens, dont des innocents."
Il est devenu chef du Hamas dans la bande de Gaza en 2017 et y a imposé une ligne de plus en plus radicale, transformant le Hamas en un groupe armé opérationnel qui "fabrique ses propres roquettes, de plus en plus nombreuses, et à la portée de plus en plus grande". 

C'est lui a imaginé et organisé l’attaque barbare du 7 octobre 2023, la plus meurtrière de l’histoire d’Israël, sans concertation apparemment avec le Hezbollah ni l'Etat iranien, pensant pourtant qu'il serait immédiatement suivi par ces alliés et qu'ensemble ils provoqueraient « l’effondrement » de l’Etat hébreu. C'était là l'ambition d'une vie : détruire Israël. Il est mort de la sale guerre qu'il a provoquée. 

Sa mort peut-elle faire espérer la paix ou du moins un cessez-le-feu ? On a du mal à le croire. On l'espérait au Liban après la mort d'Hassan Nasrallah. Des deux (trois) côtés, on attend que le camp adverse soit le premier à jeter les armes.

(1) https://www.lemonde.fr/international/article/2024/10/17/yahya-sinouar-chef-militaire-et-politique-du-hamas-architecte-de-l-attaque-du-7-octobre_6354613_3210.html
(2) https://www.courrierinternational.com/article/vu-d-israel-la-mort-de-yahya-sinwar-risque-d-aggraver-le-chaos-a-gaza_223536

mercredi 16 octobre 2024

Dur d'oreille

On se demandait pourquoi tant de gens cherchent à se réfugier en Europe. Pourquoi des Syriens, des Afghans, des Soudanais, des Irakiens, des Guinéens, des Maliens, des Ukrainiens, des Gazaouis, des Libanais souhaitent-ils vivre en France ? On a enfin une réponse grâce à  Jordan Bardella, président du FN-RN : c'est parce qu'ils veulent se faire recoller les oreilles "aux frais de la princesse". Ils viennent profiter de la si généreuse AME, l'Aide médicale d'Etat.
France Inter constate que, en 2023, 11.660 € ont été consacrés à des interventions de ce type pour des bénéficiaires de l'AME, pour des raisons médicales et non pas esthétiques. Cinq patients étaient concernés. En 2023, l'enveloppe de l'AME était de 1 milliard 100 millions d'euros, soit 0,45 % du budget total des dépenses en santé. Dans ce budget, le recollement d'oreilles de cinq bénéficiaires de l'AME représente 0,001 %. 
11.000 euros, c'est à peu près ce que touche mensuellement un député européen. On se demandait pourquoi Bardella est connu pour son absentéisme aux sessions du Parlement européen. C'est parce qu'il enquêtait. L'idée que 11.000 euros d'argent public puissent être dépensés en pure perte lui est insupportable.

(1) France Inter, Journal de 13h, 16.10.2024.

lundi 14 octobre 2024

Des hauts, des bas et des niais

Elections communales hier en Belgique avec, comme chaque fois, leur lot de bonnes et de mauvaises surprises, de déceptions, d'incompréhension, d'ingratitude, de trahisons, de disparitions, de retournements de majorités, d'alliances contre nature.
A Tournai, le MR, arrivé deuxième, forme une coalition avec Les Engagés et (l'incompréhensible soutien d') Ecolo pour bouter dehors le PS, pourtant largement en tête, qui occupait le pouvoir depuis la fusion des communes, soit près de cinquante ans. C'est Marie-Christine-Marghem-aux-dents-longues qui sera bourgmestre. Une bonne chose pour elle, pas pour la ville, tant l'ancienne ministre traîne une réputation qu'elle a su entretenir d'incompétente et de piètre travailleuse, incapable de maitriser ses dossiers (1). Mais est-ce un problème ?
A Enghien, le bourgmestre écolo Oliver Saint-Amand est abasourdi par le résultat : son parti passe de neuf sièges à quatre. Le travail et l'investissement ne paient pas. L'ingratitude ou la cécité des électeurs est toujours surprenante et difficile à vivre.
A Ninove, une première : c'est l'extrême droite flamande, le Vlaams Belang, qui a pris le pouvoir, avec une majorité absolue de sièges.
Bonne surprise par contre à Pecq pour la liste Community, proche d'Ecolo : au pouvoir durant la précédente mandature, elle a atteint 53 % des voix. Ici, le travail a payé. (Le jeune bourgmestre, Aurélien Brabant, sait communiquer. Il a été à bonne école !)
Autre bonne nouvelle : la disparition de Claude Eerdekens, bourgmestre dinosaure d'Andenne. Il ne sera plus à la tête de la commune qu'il dirigeait d'une main de fer depuis cinquante-deux ans. Cet ancien Belge vomissait l'écologie et ses représentants qu'il adorait insulter (2). Et le voilà de plus  accusé de harcèlement moral et sexuel (3). La commune pourra sans doute enfin entrer dans l'ère d'une nouvelle gouvernance, plus respectueuse des uns et des autres. 
Enfin, le ridicule ne tue toujours pas et ceux qui jouent aux Bisounours font toujours des voix, tel Daniel Senesael, bourgmestre d'Estaimpuis et son si gentil clip de campagne : 
https://www.youtube.com/watch?v=iam0cxjw9bk

Post-scriptum : proposition intéressante de la rédactrice en chef du Soir, Béatrice Delvaux. Pour éviter des coalitions qui font fi du résultat des urnes en jetant dans l'opposition la liste arrivée en tête, les francophones devraient adopter une règle appliquée en Flandre : le candidat qui a recueilli le plus de voix sur la liste arrivée en tête a deux semaines pour former une majorité. S'il n'y parvient pas, c'est son homologue de la deuxième liste qui tentera de le faire. Après tout, pourquoi faut-il se précipiter en bouclant en deux heures un accord de majorité ? Les gouvernements mettent souvent des semaines (si pas de très longs mois) pour y arriver.


dimanche 13 octobre 2024

La mort est dans le pré

 "Le bio, c'est de la merde !", "Faut arrêter avec ces conneries !", "Si tu crois que tu vas nourrir l'humanité avec le bio, tu te fourres le doigt dans l'œil !". Voilà quelques propos éructés par des conseillers municipaux qui refusaient le label "Territoire bio engagé" qui leur était proposé parce que 24% de la superficie agricole utile de leur immense commune du sud de l'Indre est cultivée en bio.
On comprend par là que rien ne vaut les pesticides et l'agriculture dite conventionnelle. Comment expliquer alors que tant d'agriculteurs souffrent de cancers professionnels pour avoir répandu des engrais et des pesticides sur leurs champs ? Comment expliquer qu'au moins deux millions de Français doivent faire appel à l'aide alimentaire pour vivre ? Comment expliquer que 18% des agriculteurs vivent sous le seuil de pauvreté ? Comment ne pas vouloir voir que la malbouffe est la cause première de l'explosion de l'obésité et de diabètes ?

Un récent rapport français (1) intitulé "L'injuste prix de notre alimentation. Quels coûts pour la société et la planète ?" fait apparaître qu'au moins 19 milliards d'euros ont été dépensés en 2021 rien que pour réparer les dommages causés par le système agro-industriel. Même les fleuristes se plaignent de souffrir de cancers liés aux pesticides dont sont arrosées les fleurs qu'ils vendent. L'une d'entre elles a perdu sa fille de 11 ans morte d'une leucémie. A cette somme colossale  de 19 milliards, il faut ajouter 48 milliards d'euros "offerts aux acteurs de la machine à produire de la malbouffe par le biais d'exonérations fiscales, sociales, de subventions diverses" (2). Soit 67 milliards d'euros pour soutenir l'agro-industrie et tenter de réparer ses dégâts. "D'une main, la collectivité répare, de l'autre, elle entretient la cause même des dommages occasionnés", résume l'étude. "La malbouffe tue, la malbouffe pollue, on découvre désormais qu'elle nous ruine", constate Natacha Devanda. 

Dans la plaine d'Aunis, au sud de la Rochelle, on s'inquiète depuis 2018 de cas de cancers pédiatriques, surtout depuis la mort de Pauline, une jeune fille de 15 ans en 2019. Les familles de soixante-dix enfants ont fait analyser des prélèvements de cheveux et d’urine par le laboratoire de toxicologie et de pharmacovigilance d’un CHU. Les résultats viennent d'être rendus publics. "Quatorze molécules différentes ont été retrouvées dans les urines et quarante-cinq dans les cheveux, nous apprend Le Monde (3) et jusqu’à six (dans les urines) et dix (dans les cheveux) par enfant. Tous présentent des traces de pesticides. Certains sont particulièrement préoccupants. Ainsi du phtalimide, détecté dans les urines de plus de 15 % des enfants : cette molécule est le produit de la dégradation du folpel, un fongicide classé cancérogène, mutagène, et reprotoxique possible par l’Agence européenne des produits chimiques. Ainsi, également de la pendiméthaline, présente dans 20 % des prélèvements capillaires. L’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) associe cet herbicide très utilisé pour les cultures céréalières à des risques de cancer (pancréas et colorectal). Parmi ces substances figurent aussi des pesticides interdits."
Plus on lit l'article, plus on s'inquiète. D'autres enfants sont, très jeunes, atteints de cancer. Certains sont morts. L'agro-agriculture n'a pas plus de limite que de prix. Elle doit nourrir l'humanité.

Pour la petite histoire : la commune du sud de l'Indre n'a jamais demandé le label bio auquel elle a droit. Il ne faudrait vexer personne.

(1) rapport établi par le Secours catholique, le réseau Civam, Solidarité paysans et la Fédération française des diabétiques.
(2) Natacha Devanda, "Agro-industrie - La malbouffe dévore l'argent public", Charlie Hebdo, 25.9.2024.
(3) https://www.lemonde.fr/planete/article/2024/10/12/des-pesticides-interdits-retrouves-chez-les-enfants-de-la-plaine-d-aunis-ou-se-multiplient-les-cancers-pediatriques_6349719_3244.html

vendredi 11 octobre 2024

Vertigineux

"Un ouvrage vide", voilà comment Juliette Cerf dans Télérama (1) qualifie le dernier livre de Caroline Fourest "Le Vertige Me Too" (2). On s'étonne. L'essayiste n'aurait-elle plus rien à dire, surtout par rapport à un tel sujet, les violences faites aux femmes, qui lui tient à cœur depuis toujours ? Circulez, y a rien à lire sinon du narcissisme, écrit tranchante la critique de l'hebdomadaire (de plus en plus) bien pensant. 
Dès lors, sceptique, on se dépêche de lire l'ouvrage en question pour comprendre une telle descente en flammes. Et on découvre un livre très documenté, multipliant les réflexions de fond sur un mouvement bienvenu et indispensable mais fragilisé par ses dérives.

Interviewée par Charlie Hebdo (3), Caroline Fourest insiste sur la nécessité du "tourbillon" Me Too. "Je rappelle tout ce qu'on a vécu avant, ce que Me Too a changé dans ma propre vie. C'est ce que j'attendais depuis toujours. Mais je suis allergique aux meutes. C'est aussi une question de proportionnalité. Je ne remets pas en cause le principe de nommer publiquement. Je dis juste qu'il faut que ce soit une forme de dernier recours pour briser l'impunité."
Dans son livre, Caroline Fourest défend fermement le mouvement Me Too et cite de très nombreux cas où la libération de la parole de victimes a permis de mettre fin aux agissements de dangereux prédateurs. "C'est (...) à la fois pour défendre Me Too et protéger cette révolution de ses excès que j'ai voulu écrire ce livre", écrit-elle en introduction. "L'exercice pose une vraie question : comment libérer la parole pour réclamer justice, sans piétiner la présomption d'innocence et commettre une autre injustice ?". 

La directrice éditoriale de Franc-Tireur revient sur les très nombreuses affaires répercutées par la presse, où des cas de viols et de prédation étaient avérés. Les réseaux sociaux ont aussi, dans ces cas, joué un rôle positif, en libérant la parole, en permettant l'écoute, la solidarité, la protection. Mais Me Too a aussi entraîné une certaine confusion tombant dans un renouveau moraliste qui voit des femmes crucifier en place publique un homme ou une femme pour un geste considéré comme déplacé ou des propos grivois, comme si ce type d'agissement était aussi grave qu'un viol. Il a suffi parfois d'un geste mal interprété pour détruire une réputation, malgré l'absence de condamnation par la justice.
Et puis, il y a ceux qui sont prompts à dénoncer une attitude raciste, mais refusent de recourir à la justice en cas de viol. A fortiori si celui-ci a a été commis par une personne qu'ils qualifient de racisée. Ces révolutionnaires finalement très réactionnaires perpétuent les pires travers du patriarcat.
Caroline Fourest déplore le silence assourdissant de tant de féministes suite au 7 octobre. La barbarie manifestée notamment à l'égard des femmes par les combattants du Hamas ne les touche pas. Comme si la fin justifiait les moyens les plus ignobles.

Les réseaux qualifiés de sociaux et une partie de la presse se muent parfois en comité de salut public, montant en épingle le moindre reproche, sans parfois laisser à l'accusé(e) le temps ni le droit de s'expliquer. Voici le temps des chevalières blanches et des guillotinages sans procès.
Dans ce livre, Caroline Fourest partage ses questionnements et n'a pas toujours de réponse arrêtée tant certains cas sont délicats. Comment savoir, dans des affaires strictement privées ce qu'il s'est passé, ce qui a été dit, qui a tort, qui a raison ? Faut-il automatiquement s'indigner ? Elle parcourt les cas révélés dans les milieux du cinéma, de la politique, de la médecine, de la presse, des associations féministes, plaide pour la nuance, appelle à raison garder, à laisser l'opportunité aux accusés par le tribunal populaire de se défendre, de s'expliquer et, si le cas est avéré, de laisser à la personne, si elle ne présente pas de danger pour les autres, le droit de s'amender et de reprendre sa place dans la société. Elle appelle à faire la part des choses entre une main aux fesses ou un baiser forcé et un viol ou un inceste, à ne plus confondre le féminisme avec le victimisme. "Lutter contre le victimisme, c'est recueillir leur parole comme victimes, sans les y enfermer à vie."

Voilà donc l'ouvrage, riche de réflexions et de nuances que Juliette Cerf qualifie de vide. On s'interroge sur la raison. L'a-t-elle vraiment lu ? A-t-elle eu un différend avec Caroline Fourest ? N'a-t-elle pas apprécié qu'y soit évoqué le licenciement abusif (c'est le tribunal  qui en a décidé ainsi) dont a été victime un journaliste de Télérama qui avait été renvoyé "sur simple soupçon de sexisme" ? Est-ce parce que Caroline Fourest est aussi connue comme une farouche militante de la laïcité, une notion que Télérama arrive de moins en moins à défendre - et qu'elle n'est dès lors pas en odeur de sainteté (si l'on ose dire) dans la presse bien pensante ? Ou Me Too doit-il être sacralisé et non critiquable ? On s'interroge. En tout cas, la critique de Juliette Cerf apparaît, à la lecture du livre dézingué, bien vide.

(1) 23.9.2024.
(2) Sous-titré "Trouver l'équilibre après la nouvelle révolution sexuelle", éditions Grasset, septembre 2024.
(3) "Caroline Fourest - "Je trouve insupportable que des gens invoquent Me Too pour se comporter en tyrans", propos recueillis par Gérard Biard, Charlie Hebdo, 9.10.2024.

mardi 8 octobre 2024

Binaire toi-même

Réflexions intéressantes (comme toujours) de la rabbine Delphine Horvilleur, dans un interview à Franc-Tireur (1), par rapport à la montée de l'antisémitisme et à la mobilisation d'une bonne partie de la jeunesse non seulement pour les Palestiniens dans leur ensemble mais aussi contre tous les Juifs. "Le problème est que la jeunesse a la conviction très forte d’être dans le camp du « bien ». Dans nos livres d’histoire, il y a une réécriture historique qui donne l’impression que les « méchants » se savaient « méchants ». Or la jeunesse hitlérienne, par exemple, devait être sincèrement persuadée d’être dans le bon camp. Et cela est entretenu par des discours de binarité politique, d’une simplification du narratif inquiétante."
Depuis des décennies, pour l'extrême gauche, tout ce qui dysfonctionne dans les rapports entre Etats est imputable aux Etats-Unis. Sans eux, comment expliquer les conflits mondiaux ? Depuis la nuit des temps, les Juifs sont coupables de tous les maux. On pouvait espérer, et on l'a longtemps cru, que l'horreur absolue que représente l'Holocauste éviterait à jamais ces accusations infondées. Mais les êtres humains ont besoin d'explications simples, de boucs émissaires clairs.
" Je constate, dit encore Delphine Horvilleur, en échangeant avec eux (les jeunes) que l’urgence est de rétablir une complexité. Ce qui n’est pas simple face à l’instantanéité des réseaux sociaux. C’est une génération qui lutte contre la binarité dans les questions de genre notamment, mais qui est championne toutes catégories de la binarité politique, plus particulièrement sur ce conflit. Elle est instrumentalisée par des discours d’élus réducteurs et d’une simplification caricaturale. Il est donc nécessaire de leur proposer de complexifier la réalité du narratif auquel ils sont confrontés. En parlant avec eux des Palestiniens d’Israël, des Arabes israéliens, de la société israélienne dans sa diversité, cela brouille un discours préétabli, et cela suscite leur esprit critique. Imager, illustrer avec des exemples de parcours dont les jeunes n’entendent pas parler et ne soupçonnent pas l’existence permet de convoquer leur sensibilité et leur réflexion. "
Tant de jeunes (et de moins jeunes d'ailleurs) restent coincés dans les schémas de leur enfance, dans des répartitions "Cowboys - Indiens". Il y a les bons d'un côté, les méchants de l'autre. Et ceux qui ne pensent pas comme eux sont forcément méchants. Finalement, ce sont des analyses très trumpistes. 

(1) https://www.franc-tireur.fr/antisemitisme-a-lecole-une-rentree-toxique

lundi 7 octobre 2024

Je cherche un homme

"Qu'est devenue l'humanité depuis le 7 octobre ?", interroge le journaliste Gérald Papy dans Le Vif.
Depuis que le Hamas a commis il y a un an ce pogrom d'une ampleur et d'une barbarie inouïes. Depuis que, en représailles, le gouvernement de Netanyahu s'est lancé dans une guerre sans merci aux terroristes du Hamas et du Hezbollah, causant des milliers de morts parmi les civils. Et voilà les deux peuples, palestinien et israélien, emportés dans la tourmente par des dirigeants qui se soucient beaucoup plus de leurs propres intérêts que de leur population. Et voilà l'antisémitisme qui explose un peu partout, entretenu par des fous furieux qui se plaisent à penser que tout juif dans le monde s'aligne derrière le gouvernement israélien d'extrême droite (1) et que le Hamas est un mouvement de résistance.
Pourquoi faut-il choisir un camp contre l'autre ? Il y a des victimes et des agresseurs des deux côtés. "Bien que les Israéliens et les Palestiniens vivent l'occupation et la guerre de façon très différente, ils donnent l'impression de former une image inversée, tellement ils sont semblables dans leur manière se juger victimes et de justifier leur violence, écrit Dahlia Scheindlin, chercheuse israélienne en sciences politiques (2). Pourquoi certains prennent-ils tant de plaisir pervers à jeter de l'huile sur un feu qui n'est hélas pas près de s'éteindre ?
Aujourd'hui, c'est d'hommes et de femmes de paix qu'on a besoin, pas de hurleurs, de gens agressifs qui répondent au terrorisme physique par le terrorisme intellectuel, qui ne connaissent rien à l'Histoire mais ont tout compris, qui crachent, mentent, insultent, agressent. Quand la bêtise et la haine s'ajoutent à la violence, oui, on se le demande : qu'est devenue l'humanité ?

Comme beaucoup d'autres, hélas tous ignorés par le gouvernement israélien, Elie Barnavi , ancien ambassadeur israélien en France, plaide pour un cessez-le-feu dans la bande de Gaza (3). L’armée israélienne elle-même, le réclame depuis des mois, dit-il. "Un cessez-le-feu à Gaza conduirait à la libération des otages israéliens, du moins ceux qui sont encore en vie. Un cessez-le-feu à Gaza permettrait à l’Autorité palestinienne de reprendre pied dans le territoire à l’aide d’une force multinationale, essentiellement arabe. L’élimination de Nasrallah et de l’ensemble, ou peu s’en faut, de son état-major militaire et politique aidant, un cessez-le-feu à Gaza désamorcerait la bombe libanaise. La désescalade permettrait d’enclencher un processus diplomatique visant à rétablir la souveraineté du gouvernement libanais sur la totalité de son territoire, avec une armée nationale renforcée et l’appui d’une force internationale enfin digne de ce nom ; d’assurer, sous les auspices de la France et des Etats-Unis, le règlement du (maigre) contentieux frontalier le long de la « ligne bleue » ; de permettre le retour des dizaines de milliers de déplacés israéliens dans leurs foyers. Au-delà, un cessez-le-feu à Gaza ouvrirait la perspective révolutionnaire dessinée par Joe Biden d’une normalisation rapide avec l’Arabie saoudite et, à terme, d’une alliance régionale anti-iranienne. Evidemment, le « prix » à payer serait le début d’une négociation de paix renouvelée avec les Palestiniens."

L’ancien premier ministre israélien Ehoud Olmert et Nasser Al-Qidwa, ancien ministre des affaires étrangères de l’Autorité palestinienne, proposent (4) un plan commun pour rétablir la paix dans leur région. Ils ne se connaissaient pas, ne s'étaient jamais croisés. "Nous nous sommes l’un et l’autre mis à la recherche d’un partenaire de l’autre côté, dans le respect mutuel, dans le but de mettre fin à la guerre à Gaza, de réentamer des négociations entre Israël et l’Autorité palestinienne et de parvenir à un accord pour que cesse ce conflit violent entre nos deux peuples." Ils savent que dans chacun des deux camps nombreux sont les jusqu'au-boutistes, qui qualifieront de trahison ou de capitulation toute tentative de mettre fin au conflit. "La guerre à Gaza doit cesser, affirment-ils. Les otages israéliens détenus par le Hamas doivent être rendus à leurs familles. Israël devra libérer un nombre convenu de prisonniers palestiniens. Israël doit se retirer de Gaza, et les Palestiniens devront créer une nouvelle entité responsable et légitime à Gaza. Une entité qui ne soit composée d’aucun politicien des factions palestiniennes responsables du 7-Octobre, qui soit organiquement liée à l’Autorité palestinienne, mais suffisamment indépendante pour obtenir l’acceptation du peuple palestinien, des voisins arabes et de la communauté internationale." Ils veulent croire en l’existence des Etats d’Israël et de Palestine vivant côte à côte sur la base des frontières du 4 juin 1967. Nous avons convenu que 4,4 % de la Cisjordanie, où se trouvent les principaux blocs de colonies israéliennes, y compris dans les alentours de Jérusalem, seraient annexés à Israël en échange de territoires de taille équivalente à l’intérieur d’Israël, qui seraient annexés à l’Etat de Palestine pour s’adapter aux réalités sur le terrain trop difficiles à inverser." Leur plan prévoit aussi  que la vieille ville de Jérusalem  soit retiré du contrôle souverain exclusif d’Israël et de la Palestine.
"Dans cette période d’obscurité aussi effrayante, nous avons choisi de faire briller une lueur d’espoir et de montrer le chemin que nos deux peuples doivent emprunter."

Si cette lueur, si des voix comme celles-là ne sont pas étouffées sous les vociférations des uns et des autres, on pourra recommencer à croire à l'humanité.

(1) Lire l'effrayant dossier "Antisémitisme à l'école - Une rentrée toxique" de Franc-Tireur, 2.10.2024.
(2) Dans Ha'aretz, 18.9.2024, in Le Courrier international, 3.10.2024.
(3) https://www.lemonde.fr/idees/article/2024/10/05/elie-barnavi-ancien-ambassadeur-d-israel-en-france-israel-gagne-des-batailles-mais-est-en-train-de-perdre-la-guerre_6344467_3232.html
(4) https://www.lemonde.fr/idees/article/2024/10/05/ehoud-olmert-et-nasser-al-qidwa-notre-plan-decrit-les-elements-necessaires-pour-permettre-une-paix-israelo-palestinienne-perenne_6344038_3232.html
A lire ou écouter, le billet de Sophia Aram de ce 7 octobre :
https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/le-billet-de-sophia-aram/le-billet-de-sophia-aram-du-lundi-07-octobre-2024-2195194


jeudi 3 octobre 2024

Amusons-nous

Ça va être la fête en Espagne bientôt. Le 7 octobre exactement. L'Etat espagnol a répondu positivement à la demande d'organisations pro-palestiniennes qui veulent fêter l’anniversaire du «déluge d’Al-Aqsa», nom donné par le Hamas à son attaque du 7 octobre 2023 qui a massacré, violé, dépecé, torturé, brûlé vifs, enlevé plus de 1200 innocents en Israël (1). L'Espagne a accordé cette autorisation au nom de la liberté d'expression.

Multiplions les occasions de nous réjouir.  Elles sont trop peu nombreuses. Faisons la fête chaque 9 novembre pour nous rappeler la Nuit de cristal, le 17 avril pour célébrer l'entrée des Khmers rouges dans Phnom Penh, le 6 avril, jour du début du génocide des Tutsis au Rwanda, le 24 août pour nous remémorer cette folle nuit de la Saint-Barthélémy, le 14 juin pour fêter le début de la conquête de l'Algérie par l'armée française. Il y a aussi le 15 novembre et ses meurtrières attaques terroristes à Paris, le 7 janvier, jour du massacre de l'équipe de Charlie Hebdo, le 14 juillet, jour de l'attentat de Nice, le 12 mars, début de l'Anschluss. On pourrait aussi célébrer le jour d'ouverture du premier camp de concentration, le début des guerres d'Ukraine, de Yougoslavie ou du Vietnam, les débuts de la conquête du Congo, du Brésil, de l'Afrique du sud, le premier jour des purges staliniennes, de la révolution culturelle chinoise, le jour de l'assassinat de Martin Luther King, celui de la création du Ku Klux Klan, bref, tous ces chouettes moments de l'Histoire où des êtres humains se sont conduits de manière inhumaine. D'habitude, on célèbre les armistices, la fin des conflits, mais certains prennent un plaisir pervers à en célébrer les débuts et les agressions les plus abjectes et les plus lâches.
On voit par là que l'Homme peut être un triste sire.

(1) "Espagne : demandez le pogrom !", Franc-Tireur, 2.10.2024.

mardi 1 octobre 2024

Le pape est l'avenir de l'homme

Le procès de Dominique Pélicot et des cinquante-et-un hommes qui ont violé sa femme à son invitation indique combien l'éducation sexuelle et affective est indispensable (quoi qu'en disent des esprits qui se veulent purs et surtout aveugles). Et à quel point on est toujours dans une conception préhistorique du rapport entre les hommes et les femmes (mais peut-être l'homme de Cro-Magnon était-il plus respectueux de ses compagnes). C'est sa femme, il en fait ce qu'il veut, a affirmé un des violeurs. Une femme réduite à un objet de consommation.

En parallèle à ce procès, s'en mène un autre, qui n'a rien à voir : celui de Peter Cherif accusé d'être l'organisateur du massacre de l'équipe de Charlie Hebdo (1). Fatma, son ex-femme, y a témoigné. Elle a été déscolarisée à 11 ans par son frère, contrainte à porter le voile intégral, interdite de quitter le domicile familial, puis mariée mineure à Peter Cherif qui l'a séquestrée durant des semaines dans sa chambre, à peine nourrie, battue et "tellement violée" qu'elle ne sait "plus combien de fois c'est arrivé". Après tout, c'était sa femme, il en fait ce qu'il veut. 
Aux Etats-Unis, J.D. Vance, l'alter ego d'Ubu Trump, estime que les États-Unis sont dirigés par “une horde de folles à chats sans enfants qui ont raté leur vie et qui veulent donc que le reste du pays soit aussi malheureux qu’elles”. Pour lui, les femmes sans enfant sont des "désaxées" et des "sociopathes". Toute femme doit avoir des enfants. Elle est faite pour cela. Et sans doute uniquement pour cela.
Et voilà que le pape François, interpellé lors de sa visite en Belgique sur la place des femmes dans l'Eglise, affirme que "la femme est accueil fécond, soin, dévouement vital".  A qui doit-elle se dévouer totalement  ? A son mari, à ses enfants et à ses parents sûrement. Il a aussi annoncé sa volonté de béatifier Baudouin, un roi "courageux", qui avait "choisi de quitter son poste pour ne pas signer une loi meurtrière". Pour rappel, Baudouin s'était mis, en 1990, en IVR (interruption volontaire de règne) pour ne pas signer la loi dépénalisant l'IVG. "Un avortement est un homicide, les médecins qui font cela sont, si vous me permettez l’expression, des tueurs à gages", affirme le pape qui, comme tous ses prédécesseurs, entend régenter la vie des femmes. Après tout, ce sont ses sœurs, il en fait ce qu'il veut (2). 

La femme appartient à l'homme. D'ailleurs, dès le mariage elle perd son identité pour endosser celle de son époux. Pourquoi la France reste-t-elle toujours aussi rétrograde en la matière ? L'administration donne automatiquement le nom de son mari à une femme mariée. Ce qui a pour seul sens d'affirmer la  domination de l'homme sur "sa" femme, l'appartenance de celle-ci au mâle dominant. Aujourd'hui, alors que les couples homosexuels peuvent se marier, cette imposition du nom du mâle n'a définitivement plus aucun sens, mais perdure, sans être remise en question.

Pendant ce temps, des hommes se retrouvent entre eux au Bali Time Chamber - on se bouscule pour participer à ces stages : "c’est reconnexion à la nature, salle de muscu, sauna, jacuzzi, bain glacé, massages et un kilo de viande par jour !", explique sur France Inter Mathilde Serell (3). "Nous vivons dans une période d’hommes faibles, d’hommes qui n’ont jamais appris ce que signifiait être un homme fort", affirme un participant qui, comme les autres, souffre de l'angoisse du déclin et de la perte de sens et le trouve dans l'entre-soi masculin, la musculation et la viande. Ils devraient écouter le pape et J.D. Vance, ils se sentiraient soutenus.

(1) Jean-Loup Adénor, "Procès Peter Cherif - Quand l'ex-djihadiste veut faire pleurer la galerie...", Charlie Hebdo, 25.9.2024.
(2) A lire : https://www.levif.be/opinions/chroniques/la-sacree-paire-de-melanie-geelkens-cher-pape-le-courage-appartient-a-ces-femmes-qui-osent-avorter/
(3) https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/un-monde-nouveau/un-monde-nouveau-du-lundi-30-septembre-2024-8383407