lundi 11 mars 2013

Clownocratie

Qu'est-ce que la démocratie? Elle semble insaisissable. Ceux qui l'appellent de leurs voeux ne savent comment la gérer. Beppe Grillo, qui a connu aux dernières élections italiennes le succès que l'on sait, estime que son parti doit diriger le pays. Mais il menace: il quittera la politique (en laquelle il vient juste d'arriver) si les élus de son parti s'associent avec la gauche ou avec la droite. On voit par là que de fervents défenseurs de la démocratie en ont une curieuse conception. Ils entendent occuper seuls le pouvoir sans avoir une majorité absolue (1).
Les partis traditionnels italiens - Démocratie chrétienne, Parti Socialiste, Casa della Liberta de Berlusconi - ont fait pendant quelques décennies tout ce qu'ils pouvaient, en termes de malversations, de combinazione, de mépris et de gestion à leur seul profit, pour dégoûter les électeurs de la politique. Le succès de Grillo est ainsi compréhensible. Mais à vouloir jouer les chevaliers blancs et les rénovateurs-de-fond-en-comble, on peut très bien se transformer rapidement en autocrates. Ou - c'est moins grave - en pleutres. La politique, qu'on le veuille ou non, est affaire de compromis et de négociations. Se présenter aux élections, c'est accepter de prendre ses responsabilités. Sans cela, on n'aura jamais été qu'un catalyseur d'écœurement, un capteur de mécontentement. Et donc un accident de plus dans l'histoire d'un pays qui n'en avait pas besoin.
Les électeurs ont évidemment, eux aussi, leur part de responsabilités: peut-on se contenter d'exprimer un vote de mécontentement, en faisant le choix d'un parti sans vrai projet et qui n'assume pas le pouvoir - même limité - qu'on lui donne? Savent-ils seulement ce qu'ils veulent, ces électeurs prêts à se jeter aux pieds du premier populiste qui passe?
"Aujourd’hui, le citoyen s’engage de façon provisoire, ses choix ne sont valables que dans le moment où il les exprime, écrit Pascal Josèphe dans "La société immédiate". Le consentement politique est sans cesse renouvelable, limité au temps présent. Se sentir lié dans la durée par un engagement, par une opinion, c’est déjà renoncer à une part de liberté. (...)  Les notions de « peuple de gauche » ou « de droite », d’appartenance à un « camp » se dissolvent dans le libre choix du citoyen-consommateur. Avec l’hyperindividualisme et le culte de l’immédiat qui caractérisent les sociétés postmodernes, on peut diagnostiquer la fin de la politique telle qu’elle existait jusqu’à présent. Les identités et les projets collectifs, la responsabilité sociale disparaissent au profit d’une revendication généralisée des droits individuels."

(1) entendu dans Matin Première ce 11 mars 2013.




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