lundi 19 janvier 2015

Comment l'islam crée lui-même l'islamophobie

Naïvement, à lire le titre de l'article du Monde (1), j'ai été - un instant - juste un instant seulement - un peu rassuré. Lisant que "Les futurs imams vident leur sac", j'ai pensé que les futurs "cadres de l'islam", en formation à la grande mosquée de Paris, pleuraient sur le sort que font à l'islam les islamistes, sur les morts atroces commises en son nom.
Et c'est l'inverse. C'est pas eux, ils n'ont rien à voir là-dedans. Le Mahomet dessiné par Luz en couverture du dernier Charlie est plus empathique qu'eux. Eux n'expriment pas un regret, pas une excuse pour les crimes commis au nom du même dieu. Au contraire, ils crachent sur les morts, en n'hésitant pas à relayer les théories du complot. Un homme voit "un scénario préparé d'avance". Là, on est d'accord, mais les comploteurs ne seraient pas ceux que l'on pense selon lui, puisqu'on n'a jamais vu le visage des tueurs, ils étaient cagoulés. On voit qu'on a affaire à un fin limier. Il devrait "faire" policier, pas imam. Une femme va plus loin encore, laissant entendre que c'était là l'occasion pour le journal de se refaire une santé. Des explications qui donnent envie de vomir. D'autres ne veulent pas voir la différence entre antisémitisme et islamophobie, comme si, pour eux, ce qu'on pense était inhérent à ce qu'on est. Ils sont, selon l'expression de Sophia Aram ce matin (2), "ceux qui ne font que croire ce qu'ils pensent". Un homme voit même dans le dessin de la dernière couverture des sexes cachés. Il connaît mal l'hebdomadaire: quand dans Charlie on dessine une bite, c'est une bite. Elle n'est pas cachée, elle ose se montrer. Mais des esprits tordus en voient partout et sont donc incapables de voir "la tendresse et l'intelligence"(3) que traduit le dessin de Luz.
J'ai été formateur durant des années. Mon ambition essentielle était d'aider mes étudiants à réfléchir, de les rendre plus intelligents, plus capables de comprendre et d'agir. Pas d'en faire des autruches qui éructent avec la tête dans le sable, relaient des rumeurs stupides et injurieuses, sortent des monstruosités. Comment ces futurs imams et ceux qui les forment ne comprennent-ils pas que des propos aussi idiots et infâmes sont dommageables pour l'ensemble des musulmans? Ce ne sont pas les caricaturistes qui donnent une mauvaise image de l'islam, disait Cabu, mais ceux qui tuent en son nom. Ceux qui crachent en son nom ternissent un peu plus cette image.
Comment ne pas comprendre que cet islam-là fait peur, qu'il crée une vraie phobie? Qu'il est aussi dangereux pour les musulmans que les attaques et les raccourcis répugnants de l'extrême droite et des identitaires?
Est-ce ainsi qu'Allah est grand?

Post-scriptum: les manifestations contre les caricatures de Charlie Hebdo organisées un peu partout dans le monde musulman (comme, par exemple, en Tchétchénie) sont des caricatures de manifestations (4). De véritables insultes à la démocratie. Qui se lèvera contre elles?

(1) www.lemonde.fr/societe/article/2015/01/17/a-la-grande-mosquee-de-paris-les-futurs-imams-vident-leur-sac_4558443_3224.html
(2) www.franceinter.fr, ce 19 janvier 2015, 8h55. Excellent billet sur les rumeurs et les complots!
(3) www.liberation.fr/societe/2015/01/14/aujourd-hui-le-prophete-est-aussi-charlie_1180802
(4) France Inter, Journal, 19 janvier, 13h.

Aucun commentaire: