lundi 12 janvier 2015

En avant, y a pas d'avance

J'ai toujours pensé que l'abonnement à Charlie Hebdo devrait être remboursé par la sécurité sociale. Sa lecture est roborative, informe, fait rire, fait réfléchir, fait débattre.
Hier, tout le monde le disait, les rassemblements autour de Charlie ont "fait du bien". Toutes les classes sociales, toutes les générations étaient rassemblées. Le matin, à Argenton-sur-Creuse, ville de 5.200 habitants, nous étions près de 3 à 4.000. L'après-midi, 11.000 à Châteauroux. 
Il y a un an, je fustigeais la France grognonne, la France des anti-mariage pour tous, des Bonnets rouges, des pleurnicheurs, de tous ceux qui ont peur du changement, de tous ceux qui veulent que rien ne bouge ou qui veulent revenir en arrière. Hier, c'était une France debout, déterminée, qui disait "même pas peur", qui, au-delà du partage d'une émotion extrêmement vive, disait que le terrorisme ne passera pas. Les assassins ont réussi leurs crimes mais raté leur objectif, les morts ne sont pas morts pour rien. La France s'est rassemblée pour défendre la liberté d'expression, de pensée, de création.  "On pensait qu'il y avait moins d'humanité en France, a dit Erik Orsenna (1), mais on en a fait provision hier." 
Reste à pérenniser et concrétiser ce mouvement positif. Bien sûr, il y a et il restera un monde de différence entre tous ceux qui étaient dans les rues hier, les libertaires, bouffeurs de curés, fidèles de Charlie Hebdo et les bons bourgeois indignés et les croyants de différentes confessions et les politiques de tous bords. Mais tant mieux, c'est la vie. Bien sûr, le jeu politique va reprendre ses droits. C'est normal. A chacun maintenant  de se positionner, de se remettre en question, d'être plus intransigeant sur le respect de la liberté d'expression, d'investir dans les politiques éducatives et culturelles, de sortir certaines banlieues du désespoir, de repenser les politiques carcérales trop souvent criminogènes, d'éradiquer les mauvaises fois que portent en elles certaines religions, de réduire à rien les partis de la division. "Il faut se méfier des partis qui divisent plutôt que de rassembler", disait hier Lilian Thuram (1). Reste aux citoyens à agir en quittant définitivement leur posture trop facilement grognonne. Elle est effrayante la quantité d'énergie humaine que les Français ont pu gaspiller ces dernières années !

(1) émission de soutien à Charlie Hebdo sur France 2, France Inter, etc. ce dimanche 11 en soirée.

2 commentaires:

Grégoire a dit…

Je lis Charlie Hebdo depuis plus de 21 ans. Je ne m'y suis jamais abonné car j'ai toujours pensé naïvement que cela me permettait de faire vivre un libraire (même s'il n'est pas forcément un grand défenseur de la culture...). Plusieurs journaux, ce matin, posent déjà la question "Après les marches, on fait quoi?" Le débat télévisé d'hier midi sur la première chaîne belge ne m'a pas vraiment persuadé que côté musulman, par exemple, on soit prêt à certaines remises en questions. L'un regrettait que l'on demande systématiquement aux musulmans de se justifier alors que le présentateur, parfait dans son rôle, remarquait qu'à chaque attentat, un imam se justifiait en disant que l'Islam, ce n'était pas "ça", et l'autre invité musulman, en toute fin de débat tenait à dire qu'il n'était pas théologien, comme pour appeler à relativiser (impression que mon épouse et moi-même avons eue simultanément) tout ce qu'il avait dit durant le débat. A-t-il eu soudain peur...?
Il se trouve autour de moi quelques personnes qui pourraient passer pour "islamophobes". Et là je trouve regrettable et irritant que l'on prenne aussi peu souvent la peine d'aller voir dans un dictionnaire l'étymologie du mot "phobie". L'Islam fait peur; y a-t-il des raisons objectives à cela ou le regard des occidentaux, qui ne semblent pas juger les bouddistes, juifs, hindous (qui ne sont pas les plus tendres), par exemples, avec autant de sévérité, est-il biaisé volontairement?
Et puisque l'on peut-être catholique pratiquant (néanmoins critique sur l'Eglise officielle) et lecteur de Charlie, je voudrais citer Saint-Ambroise : "Si tu vis à Rome, fais comme les Romains". Une série de documentaires sur la Une TV expliquait vendredi dernier qu'une grande partie des Juifs allemands n'a pas compris ce qui lui arrivait en 1933, car ils se sentaient d'abord Allemands avant d'être Juifs. Certains même déclarèrent qu'ils s'étaient découverts juifs "grâce" à Hitler...
Sans leur demander de boire de l'alcool ou de manger du jambon, j'aimerais que tous ceux qui vivent en Europe occidentale vivent à l'européenne, s'habillent à l'européenne, au lieu de faire de leurs vêtements une frontière entre le soi et les autres...
Je ne suis pas plus optimiste sur la nature humaine que ne l'était Bernard Maris, qui continue et continuera à me manquer...

Michel GUILBERT a dit…

Hier, au rassemblement "Charlie" à Châteauroux, les organisateurs avaient eu la mauvaise idée d'inviter des représentants des religions à s'exprimer. Que viennent faire là les religions qui ont tant fait la guerre à Charlie (et inversement)? Le premier fut le représentant musulman. Il s'exprima en vociférant que l'islam interdit de tuer qui que ce soit. Puis, il déclara qu'il ne faut quand même exagérer dans la caricature, qu'il faudrait des garde-fous à la liberté d'expression et que la presse ferait mieux de parler des attaques dont sont victimes les musulmans. Il y eut quelques sifflets, des gens se sont mis à scander "Charlie". Il s'est un peu énervé, a réussi à terminer, mais son intervention est restée très ambiguë.
www.lanouvellerepublique.fr/Indre/Actualite/24-Heures/n/Contenus/Articles/2015/01/12/Une-confusion-d-emotions-2182414
Bien d'accord: le terme "islamophobie" m'énerve et n'a pas de sens. Ou bien c'est du racisme, ou bien c'est de la critique de la religion. Le premier est condamnable, la seconde est utile...
Il faut lire l'appel d'Abdennour Bidar:
www.huffpostmaghreb.com/abdennour-bidar/lettre-ouverte-au-monde-m_1_b_6443610.html
J'y reviendrai.