mercredi 7 janvier 2015

Nous nous appelons tous Charlie




Il ne doit pas cesser de se retourner dans sa tombe, le Prophète. Il faut dire que le voilà arrosé de sang, si c'est bien pour le "venger" comme ils le clamaient que des barbares ont lâchement assassiné l'équipe de Charlie Hebdo. La bête immonde est donc partout, de moins en moins tapie dans l'ombre. Elle sort du bois, attaque, frappe, viole, blesse, tue. Ici, c'est à la liberté de pensée et d'expression qu'elle s'en est pris, croyant qu'il suffit de décimer une rédaction pour achever cette liberté. Charlie Hebdo ne s'en remettra, hélas, sans doute jamais, comme le pense l'un des siens, Antonio Fischetti (1). Mais, quoi que croient ceux qui ne savent pas ce qu'est penser, cette liberté survit à tout. Même au pire. On peut tuer un symbole de la liberté, mais pas la liberté. En attendant, on pleure la mort de Charb, de Wolinski, de Tignous, de Bernard Maris (Oncle Bernard), de Cabu et de qui d'autre encore? Cabu! Ils ont tué Cabu! Cet homme magnifique, cet amateur de jazz, ce chantre de Trénet, ce caricaturiste sans égal! Je ne connaissais personnellement aucun des journalistes et caricaturistes de Charlie, mais ce sont autant de proches que j'ai perdus aujourd'hui. On peut parier que ces bêtes humaines qui les ont tués ne savaient même pas quels esprits libres et talentueux elles avaient en face d'elles. En massacrant aussi lâchement des gens intelligents, drôles, courageux, armés de leurs seules plumes, ces monstres font non seulement preuve d'une violence terrifiante mais aussi d'une bêtise et d'une veulerie abyssales. En agissant avec une telle sauvagerie pour s'attaquer à des idées, à des dessins, ces fascistes font le lit des racistes et d'une autre extrême droite. Comme le lui faisait dire Cabu en couverture de Charlie Hebdo du 8 février 2006, sous le titre Mahomet débordé par les intégristes, le Prophète doit une fois de plus sangloter en se disant que "c'est dur d'être aimé par des cons". Et il pourrait ajouter "et d'immondes assassins".



(1) www.liberation.fr/societe/2015/01/07/antonio-fischetti-charlie-hebdo-ces-derniers-temps-la-vigilance-s-etait-relachee_1175422
A voir l'émission "28 minutes" de ce soir sur Arte: www.arte-tv.com
A lire le billet d'Axel Kahn:
http://rue89.nouvelobs.com/2015/01/07/axel-kahn-humanite-est-niee-massacree-256954
et aussi, un peu partout, tant d'appels à la solidarité, à rester debout, à continuer à rire malgré les loups et les hyènes (qui visiblement ricanent sur Internet).


4 commentaires:

gabrielle a dit…

C'est tout un pan de notre jeunesse qui s'effondre et pleure.

Didier L. a dit…

Merci Michel, c'est juste.

Grégoire a dit…

1784... Beaucmarchais faisait dire à Figaro: "Auteur espagnol, je crois pouvoir y fronder Mahomet sans scrupule : à l’instant un envoyé… de je ne sais où se plaint que j’offense dans mes vers la Sublime-Porte, la Perse, une partie de la presqu’île de l’Inde, toute l’Egypte, les royaumes de Barca, de Tripoli, de Tunis, d’Alger et de Maroc : et voilà ma comédie flambée, pour plaire aux princes mahométans, dont pas un, je crois, ne sait lire, et qui nous meurtrissent l’omoplate, en nous disant : chiens de chrétiens ! – Ne pouvant avilir l’esprit, on se venge en le maltraitant." 1784...
J'ai découvert Charlie, par hasard en vacances dans le Sud-Ouest, il y a plus de 20 ans. Depuis ce moment, ils m'ont toujours accompagné. j'achetais Charlie, chaque semaine, parfois leurs suppléments, J'écoutais Oncle Bernard dans le débat éco en podcast sur France Inter, ses deux anti-manuels d'économie ont longtemps honoré ma table de nuit (l'anti-manuel de philosophie de Michel Onfray les a momentanément remplacés). Je les ai pleurés hier, comme on pleure des proches...
Maintenant, j'attends que des milliers musulmans manifestent pour exprimer leur désaprobation, comme ils ont su le faire pour quelques dessins.

JiCé a dit…

Oui, il y a danger que cette acte barbare serve de déclencheur à des affrontements latents entre pans de notre société. A ce niveau, nous avons tous une responsabilité pour faire en sorte que le vivre-ensemble existe au-delà des mots.

"L'urgence, dans un contexte de soupçon et d’hostilité croissants à l’égard de l’islam, est, pour les musulmans, de prendre la parole et d’assumer ostensiblement leur place dans le camp des victimes de la barbarie. Au moment où nos sociétés occidentales n’ont jamais été autant menacées de division et d’affrontement, leur parole, seule, peut efficacement dénier le droit à des fous ou des fanatiques de tuer au nom d’une religion et d’un Dieu qui ne leur demandent rien." (Edito Le Soir ce 8 janvier 2015)

Cependant, ce geste fort, pleinement souhaitable, indispensable, suffira-t-il à rendre muets ceux utilisent leur mandat public pour entretenir et attiser la haine de l'autre ? On peut, hélas, en douter.