mercredi 18 juin 2025

Religions suicidaires

Certaines personnes restent convaincues que les religions vont sauver le monde. Elles le mettent à feu et à sang. La guerre des religions bat son plein actuellement. Entre le Hamas et le gouvernement israélien et entre ce dernier et le gouvernement iranien.
"Les sionistes religieux sont persuadés qu'Israël est entré dans une période eschatologique (1), affirme le journaliste Charles Enderlin, ancien chef de bureau de France 2 à Jérusalem. Pour eux, tous les évènements auxquels on assiste ont été décidés par Dieu. Le Messie va arriver." (2) Charles Enderlin préfère parler de messianiques plutôt que de suprémacistes. "En miroir, les djihadistes sont tout autant dans l'eschatologie. Le cheikh Ahmed Yacine, le fondateur du Hamas, avait établi une théologie fondée sur la sourate 17 du Coran et conclu qu'Israël disparaîtrait d'ici à 2027. C'est sur la base de cette vision que les chefs du Hamas ont commis l'attaque terroriste du 7 octobre. Les fondamentalistes musulmans et juifs ont bel et bien lancé une guerre de religion."
Des deux côtés, le grand rêve, c'est l'anéantissement de l'autre et la création d'un Etat théocratique. "L'actuel gouvernement (israélien) transforme le pays en un Etat quasi théocratique, discriminant les non-Juifs", constate Charles Enderlin. "Benyamin Netanyahou suit l'idéologie de son père, l'historien Benzion Netanyahou, qui était opposé à tout accord avec les Arabes et à toute concession aux Palestiniens. Il était l'ennemi juré de Ben Gourion et des socialistes juifs. Ce sont les raisons pour lesquelles son fils a fait alliance avec les sionistes religieux messianiques, le mouvement raciste dirigé par Itamar Ben Gvir et les ultraorthodoxes opposés à la laïcité. Et oui, selon moi, ce gouvernement représente un danger existentiel pour Israël." Par sa violence excessive, ce gouvernement est en train de se faire mettre au ban de la société mondiale, ce que cherchait visiblement le Hamas avec les réactions attendues à son attaque barbare du 7 octobre et ce qu'il cherche toujours en refusant tout cessez-le-feu et la libération des otages.
Le Hamas et le gouvernement théocratique iranien ne sont animés que par leur haine des Juifs et d'Israël. Le sort des Palestiniens n'est pas leur souci, seul compte leur objectif de jeter à la mer tous les Israéliens.
Finalement, ces obsessions aveuglantes mènent les uns et les autres à une attitude suicidaire.

(1) Le Larousse définit l'eschatologie comme les "doctrines et croyances relatives aux fins dernières de l'homme et de l'Univers".
(2) "Les fondamentalismes musulmans et juifs ont bel et bien lancé une guerre de religion", Charlie Hebdo, 14.5.2025.

lundi 9 juin 2025

Des suicides assassins

Le gouvernement israélien n'a visiblement plus aucune limite. La vengeance compréhensible des attaques barbares du 7 octobre semble inextinguible et ne prendra fin que quand les habitants de Gaza seront tous morts ou exilés. De son côté, le Hamas n'exprime aucune envie de voir cesser le massacre des siens, pas plus que de libérer les otages israéliens. Tout cela doit s'arrêter immédiatement, comme l'affirment de nombreuses personnalités françaises qui appellent l'Union européenne à agir et exhortent le président français à l'organisation d'un congrès mondial pour la paix, ouvert à la société civile, dont les objectifs seraient les suivants (1).

"1. Les Israéliens et les Palestiniens ont le droit les uns et les autres à un Etat souverain, constitué selon les normes démocratiques, respectueux de l’Etat de droit et dont la sécurité est garantie. Ils doivent l’accepter les uns et les autres et se reconnaître mutuellement.
2. Tous les otages vivants et les dépouilles de ceux qui sont morts doivent être rendus. L’intervention militaire d’Israël à Gaza doit s’arrêter immédiatement. Le Hamas doit rendre les armes. Gaza doit être administrée par une autorité palestinienne ou arabe à laquelle l’organisation terroriste ne participe pas. Ce sont les concours financiers des pays arabes qui assureront sa reconstruction. De nouvelles élections doivent être organisées en Israël.
3. Les négociations doivent s’engager entre Israéliens et Palestiniens sur la base, entre autres, des « paramètres Clinton » de 2000, de l’initiative arabe de 2002, de l’initiative de Genève de 2003, des propositions Nasser al-Qidwa/Ehoud Olmert de 2024 qui, les unes après les autres, ont permis de préciser les contours possibles des solutions à apporter aux différents problèmes épineux que sont le tracé des frontières, le sort des colonies israéliennes dans une Cisjordanie qui doit évidemment faire partie de l’Etat palestinien, le statut de Jérusalem, la question du droit au retour… Il devra sans doute être envisagée une démilitarisation provisoire de l’Etat palestinien avec des garanties internationales pour sa sécurité.
4. Les pays démocratiques doivent lutter de toutes leurs forces pour combattre chez eux l’antisémitisme et la haine contre les musulmans. Etre sioniste n’est pas un crime, être pro-palestiniens non plus. L’un et l’autre points de vue doivent pouvoir s’exprimer librement dès lors qu’ils ne recourent pas à un discours de haine, ne nient pas le droit à l’existence de l’autre ni ne le déshumanisent. Les Palestiniens ne sont pas des nazis et les Israéliens non plus. Les musulmans ne sont pas comptables des crimes du Hamas ni les juifs responsables de l’extrême droite israélienne. Les juifs et les musulmans ont droit à une existence normale et sûre dans les pays où ils vivent quoi qu’il arrive au Proche-Orient. (...)
5. Les forces politiques qui instrumentalisent le conflit, exacerbent les tensions entre les juifs et les musulmans, jettent de l’huile sur le feu par des propos excessifs et des anathèmes inutiles doivent être combattues et mises au ban du débat public."

Ces objectifs semblent tomber sous le sens, mais la raison et la guerre ne font jamais bon ménage. La haine réciproque que se vouent le Hamas et l'actuel gouvernement israélien les entraîne dans une forme de suicide qui emporte tant de vies innocentes. 

 (1) https://www.nouvelobs.com/monde/20250603.OBS104551/israel-palestine-l-appel-de-152-personnalites-pour-un-congres-mondial-pour-la-paix.html

jeudi 5 juin 2025

Un progrès réactionnaire

Décidément, l'islamisme ne semble pas inquiéter une part importante de la gauche belge. La Région de Bruxelles est sans gouvernement depuis quasiment un an et voilà qu'on nous annonce, sans rire, qu'une majorité présentée comme progressiste pourrait gouverner Bruxelles en intégrant en son sein la Team Fouad Ahidar. En quoi celui-ci serait-il progressiste, lui qui est l'incarnation de la réaction ? Lui qui a déclaré : « Pour certains, les cultes doivent rester à la maison, pour moi c’est le contraire ».

Comme l'écrit le mouvement Les Universalistes, "la Team Fouad Ahidar, qui n’a rien d’humaniste, s’inscrit dans une démarche de fracture sociale et sociétale, entretenant de l'animosité entre les uns et les autres, et faisant appel à des réflexes archaïques pour appréhender les problématiques de société. Cette formation politique développe un projet fondé sur le repli religieux, identitaire et le communautarisme qui est l’exacte négation d’une vision humaniste de la société."

En octobre dernier, Le Monde décrivait ainsi Fouad Ahidar (1) : "Musulman pratiquant, ancien conseiller d’un ministre nationaliste flamand, passé au Parti socialiste flamand avant d’être exclu, en 2022, pour son refus de condamner l’abattage rituel des animaux, l’élu parfaitement bilingue traîne, il est vrai, une réputation sulfureuse alimentée par son discours décrit comme communautariste par ses adversaires, ses contacts avec un prêcheur radical de Molenbeek, son plaidoyer pour le port du voile, y compris pour les détentrices d’une fonction d’autorité, ou les propos qu’il a tenus en octobre 2023 sur les attaques terroristes du Hamas. Une « petite réponse » à la politique « génocidaire » menée depuis soixante-quinze ans par Israël à l’égard des Palestiniens, a-t-il dit, avant de s’excuser quelques jours plus tard et d’indiquer que « toute mort est une mort de trop ». Pour des représentants de la communauté juive, il n’est, en tout cas qu’« un antisémite forcené et un islamiste profondément ancré » ".

On s'interroge : où serait le progrès d'un gouvernement bruxellois qui s'allierait à ce personnage qui donne priorité à la religion par rapport à la politique ? "A l’inverse, écrivent encore Les Universalistes, le « progrès » consiste à affirmer la neutralité de l’État, à défendre inconditionnellement l’égalité entre les hommes et les femmes et à ne pas tolérer que la loi civile soit influencée par des considérations religieuses."

(1) https://www.lemonde.fr/international/article/2024/10/05/en-belgique-fouad-ahidar-un-elu-marginal-devenu-un-acteur-cle-dans-la-region-de-bruxelles_6344329_3210.html


mercredi 4 juin 2025

Belgique aveugle

Les Belges sont gentils, c'est ce qu'on dit, et tolérants. Peut-être un peu niais ? En tout cas trop laxistes. La Belgique apparaît, aux yeux de nombreux analystes, comme une terre d'accueil de l'islamisme le plus radical. Avec l'aide d'une partie de la gauche et de l'extrême gauche de plus en plus cul-bénit. 
Un récent rapport du Ministère français de l'Intérieur confirme ce que savent et disent depuis longtemps celles et ceux qui s'en inquiètent : il existe, en France, en Europe, et en Belgique particulièrement, une mouvance islamiste qui avance de plus en plus clairement avec l'objectif d'imposer dans la société ses croyances et ses modes de vie, pour, comme l'écrit Riss (1), "modifier le système politique actuel, basé sur la démocratie, pour le tirer vers un autre, théocratique, fondé sur la religion musulmane". Une bonne partie de la presse française dénonçait le danger que représentent les Frères musulmans et soulignait combien la Belgique apparaît comme permissive à l'entrisme islamiste. Un livre récent, rédigé par deux journalistes, témoigne des dérives dont est victime l'enseignement en Belgique francophone et de la solitude des profs abandonnés face à la montée de l'islamisme (2).

Il y a peu, la Cour de cassation de Belgique a donné raison à un prédicateur marocain que l'Etat belge avait pourtant chassé de son territoire en octobre 2021. En 2009, cet inquiétant personnage avait appelé à ce que "un feu ardent brûle les sionistes". Il avait aussi rejeté la fixation de l'âge du mariage à 18 ans pour les Marocaines, estimant que 9 ans suffisent (3). Ce pédophile islamiste va donc pouvoir revenir à Molenbeek encourager ses ouailles à des pratiques qu'on croyait révolues depuis longtemps. Lors de son procès, il a dû être aidé d'un interprète. Comment comprendre que des étrangers maitrisant bien le français et parfaitement intégrés soient expulsés alors que de tels individus soient réintégrés et obtiennent la nationalité belge ?  
Toutes celles et tous ceux qui hurlent à l'islamophobie quand des rapports et des témoignages de terrain s'inquiètent de la progression de moins en moins rampante de l'islamisme, tous ceux-là s'avèrent en fin de compte racistes, abandonnant les enfants, les femmes, tous les citoyens dits de culture musulmane à des règles dont eux-mêmes n'accepteraient pas un centième pour eux et leurs proches. 

(1) Riss, "Contre-révolution 2.0", Charlie Hebdo, 28.5.2025.
(2) Laurence D'Hondt et Jean-Pierre Martin, "Allah n'a rien à faire dans ma classe - Enquête sur la solitude des profs face à la montée de l'islamisme", Racine, 2024.
(3) J.-Y. C. "Créolisation", Charlie Hebdo, 28.5.2025.

mercredi 21 mai 2025

mardi 13 mai 2025

Le silence du Rambo russe

Comme tous les dictateurs, Vladimir Poutine a un sens de l'humour qui lui est propre. Il s'était dit prêt à un cessez-le-feu si les livraisons d'armes à l'Ukraine cessaient. Ainsi sont les tyrans, prêts à se montrer magnanimes avec ceux qu'ils ont mis à genoux et qui ne peuvent même plus se défendre.
Aujourd'hui, il déclare qu'il veut négocier directement avec l'Ukraine. Volodymyr Zelensky le prend au mot et lui propose de venir discuter directement avec lui en Turquie ce jeudi. Mais le chef mafieux se tait. On ne l'entend pas dans le bruit et la fureur qu'il continue à faire tomber sur l'Ukraine. Zelensky dénonce un "silence bien étrange". Il a déploré que "malheureusement, le monde n’a toujours pas reçu de réponse claire de la Russie aux nombreuses propositions de cessez-le-feu". Poutine, dit-on, malgré ses airs bravaches et ses roulements de mécaniques, a une peur panique qu'on attente à sa vie.  Le tueur en série aura-t-il le cran d'aller jusqu'en Turquie et de discuter avec son homologue ukrainien ?
Son porte-parole, lui, a rejeté toute idée de cessez-le-feu inconditionnel de trente jours : " ce langage d’ultimatums est inacceptable pour la Russie, il ne convient pas. On ne peut pas s’adresser à la Russie avec un tel langage", a déclaré Dmitri Peskov. Pour s'adresser à l'Ukraine, la Russie ne connaît que le langage des bombes. 
La Russie, championne de l'hypocrisie, s'est enfermée dans une fuite en avant : elle ne veut que la paix et ne fait que la guerre.

A voir ce soir à 21h sur Arte : "Zelensky", documentaire d'Yves Jeuland, Ariane, Chemin et Lisa Vapné.


mercredi 7 mai 2025

What a wonderful world

On sentait bien qu'il y avait un manque. Poutine et sa clique de tueurs qui veulent avaler le territoire ukrainien quel que soit le prix du sang et qui terrorisent leur propre population ; Nétanyahou et son gouvernement d'extrême droite qui veulent raser Gaza et faire fuir ses habitants qu'ils n'auront pas tués ; le Hamas qui préfère voir mourir les Palestiniens que de relâcher les otages israéliens ; le Soudan qui se déchire, tout comme le Yemen ; la guerre entre le Rwanda et la République Démocratique du Congo ; l'Iran et l'Afghanistan qui enferment les femmes qui ont le grand tort de ne pas se contenter de vivre dans leur cuisine ; la Chine qui menace Taïwan ; l'Algérie et la Tunisie qui emprisonnent leurs intellectuels ; le régime turc qui enferme ses opposants ; la Birmanie, la Corée du nord, la Biélorussie et tant d'autres pays qui empêchent toute liberté à leurs habitants ; la Chine et la Russie qui colonisent l'Afrique ; les extrémistes de droite et les populistes qui s'installent au pouvoir ou s'en approchent ; l'antisémitisme qui revient au grand galop avec l'aide, notamment, de l'extrême gauche ; les demandeurs d'asile qui sont considérés comme des pestiférés ; le réchauffement climatique qui s'accélère tandis que les voyages en avion n'ont jamais été aussi nombreux ; le Père Ubu qui a pris la tête des Etats-Unis et s'amuse à tout casser ; tout cela ne suffisait pas. Voilà que l'Inde et le Pakistan se font la guerre. 

L'animateur et comédien Hervé Pauchon a traversé la France à pied en demandant aux gens croisés sur sa route ce qui les rend heureux (1). Le plus souvent, c'est leur lien avec la nature qu'ils citent. On voit par là que la nature est bien plus rassurante que l'humanité. 

https://www.youtube.com/watch?v=VqhCQZaH4Vs

(1) https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/carnets-de-campagne/carnets-de-campagne-du-mercredi-07-mai-2025-6502218

vendredi 2 mai 2025

Derrière l'écrivain, un peuple réduit au silence

Dans deux semaines, il y aura six mois que Boualem Sansal est emprisonné à Alger. Coupable d'être critique envers le régime algérien. Comme l'écrit Le Monde (1), "le silence s’installe autour de sa cause. Il menace d’aggraver le sort d’un homme qui paie de sa liberté le choix d’avoir voulu rester dans son pays tout en cinglant le pouvoir de ses critiques".   
Lisa Romain vient de publier un essai : "Boualem Sansal à l’épreuve du réel" (2). "L’autrice, écrit Le Monde, montre (...) avec talent que l’œuvre de (Sansal) consiste en un effort de retrouvailles avec le réel. Car l’accès au réel s’est trouvé obturé par la propagande islamiste comme par celle du régime algérien, que Boualem Sansal a l’une et l’autre combattues en démocrate, en laïc et en partisan des identités plurielles dont son pays est fait (arabe, kabyle, juive, européenne, etc.). Aux yeux de Sansal, les médias algériens aux ordres et les consciences occidentales au jugement altéré par la culpabilité postcoloniale contribuent à brouiller la réalité de l’Algérie contemporaine. Tout comme la tendance au « quituquisme » (qui tue qui ?). On désigne par là une mentalité frisant le complotisme, qui empêche d’attribuer les massacres islamistes à leurs véritables auteurs, soit qu’on cherche à ceux-ci des circonstances atténuantes en en faisant de modernes « damnés de la terre », soit qu’on voie dans leurs exactions la main des militaires algériens (les puissants d’Alger n’étant par ailleurs nullement exonérés par Sansal de leurs propres méfaits)."

En Belgique francophone, à l'initiative du Pen Belgique francophone, une quarantaine d'auteurs ont publié en commun des textes de soutien à leur prestigieux confrère algéro-français, réunis sous le titre "Amorces de récits - En soutien à Boualem Sansal" (3).
L'un de ces auteurs, Christophe Roche-Ford, revient sur l'accusation principale adressée par le pouvoir à l'écrivain : avoir osé enfreindre un tabou. Dans une interview, il a questionné "la légitimité historique du tracé de la frontière héritée de la colonisation entre l'Algérie et le Maroc". La Guerre des Sables avait eu lieu en 1963 à son sujet. C'est l'Organisation de l'Unité africaine qui y avait mis fin, "reconnaissant l'intangibilité des frontières coloniales, essentielle à la stabilité du continent africain". Pour avoir questionné ce tracé, Sansal est aujourd'hui poursuivi notamment pour "acte terroriste ou subversif" et la presse algérienne parle de lui comme d'un "traitre" et d'un "pantin révisionniste anti-algérien". 
Voilà l'Algérie, qui s'est enfermée dans son passé de lutte anti-colonialiste, qui défend la frontière tracée par les colons.

"En invoquant l'histoire pour interroger les frontières, il (Boualem Sansal) a fait sortir de sa contenance un pouvoir intransigeant sur le contenu du pays", écrit Jean-Marc Rigaux, avocat et écrivain. "La ligne artificielle dessinée par l'ancien colonisateur pour séparer le royaume chérifien du Maroc de l'Algérie encore inexistante devient paradoxalement une ligne de défense du caractère intangible du pays. Tout ce qu'a fait ou non la France a été et reste néfaste. Sauf cela. La limite. Ici. Chez nous. Là. Chez eux."

"En attendant, écrit encore Christophe Roche-Ford, "ce passé qui se met en travers du présent verrouille la situation politique et est une pièce maîtresse de la névrose du pouvoir algérien, se réclamant de la guerre de libération du peuple algérien tout en confisquant sa liberté, et qui a conduit à l'arrestation arbitraire de Boualem Sansal." L'emprisonnement d'un écrivain questionne la liberté de tout un peuple. "La nuit de Boualem Sansal en sa prison est aussi la très longue nuit du peuple algérien." 

(1) https://www.lemonde.fr/livres/article/2025/04/30/boualem-sansal-a-l-epreuve-du-reel-de-lisa-romain-l-ecrivain-qui-engage-son-lecteur_6602011_3260.html
(2) éditions Cerf.
(3) Asmodée Edern, Pen Belgique francophone. 


lundi 28 avril 2025

Les cahiers au feu et le prof au milieu

La bande de philistins qui tente de diriger les Etats-Unis s'est donné une grande mission : tout casser. A commencer par la science et l'éducation. "Nous devons, honnêtement et agressivement, attaquer les universités dans ce pays." C'est ce qu'avait déclaré en 2021 celui qui est devenu au début cette année vice-président des Etats-Unis, J.D. Vance, qui n'a visiblement jusqu'à présent impressionné personne par la finesse de ses analyses, sa hauteur de vue ou sa sagesse "Nous avons besoin de sagesse, avait-il affirmé, et il y avait de la sagesse dans ce que Richard Nixon a dit il y a quarante, cinquante ans : Les professeurs sont l'ennemi". 
On aurait aimé qu'il explique ce que signifie attaquer honnêtement ou encore en quoi il serait sage de s'attaquer aux enseignants, mais en est-il capable ?
Ces béotiens n'ont pas besoin de se justifier, l'échange, le débat, la discussion leur sont aussi étrangers que l'intérêt collectif. Donc, ils cognent, ils coupent, ils dépècent, ils mentent, ils insultent. Il faut leur reconnaître cela : dans ces domaines, ils ont de grandes compétences.
Ils coupent les vivres aux universités qui ne s'alignent pas sur leurs ukases, ils suppriment des organismes de recherche ou taillent dans leurs subventions, ils dépècent le ministère de l'Education.
Les universités ont été sommées de retirer de leurs programmes toute référence à la recherche sur l'environnement, sur les inégalités ou les discriminations. Quand on a cassé le thermomètre, on ne constate plus de fièvre. Ainsi le veut l'idéologie trumpienne, "improbable cocktail de nationalisme chrétien et de techno-fascisme crétin mixé dans le bureau ovale" (1). "Soyez (et soyons) encore plus stupides", serinent ceux que Giuliano da Empoli appelle "les ingénieurs du chaos". L'irrationnel devient la norme, "le savant est moqué et l'ignorant porté aux nues". L'ignorance n'empêche rien, au contraire : Ubu Trump est devenu président de la première nation mondiale. 

Avant lui, son collègue illibéral Vikor Orban avait déjà agi de la sorte : en 2010, il supprimait le ministère hongrois de l'Education nationale. Il ne cesse de restreindre l'autonomie des enseignants (ceux du public, les écoles catholiques et protestantes étant favorisées), d'augmenter leur charge de travail, d'intervenir dans le contenu des manuels scolaires. Il leur a même interdit la grève. Des milliers d'enseignants ont préféré démissionner. Ceux qui restent se résignent, par peur d'être dénoncés. (2)

Pendant ce temps (3), le tueur en série Poutine transforme les lycées russes en antichambres de l'armée. Plusieurs fois par semaine, les élèves, vêtus d'une tenue militaire, sont conditionnés au nationalisme et à la nécessité de prendre prochainement les armes pour défendre la patrie. 

"L'ignorance, c'est la force", proclame le Parti dirigé par Big Brother dans 1984  de George Orwell. 

(1) Olivier Pascal-Moussellard, "La guerre au savoir est déclarée", Télérama, 26.3.2025.
(2) Marc Belpois, "Orban, touche pas à ma fac !", Télérama, 16.4.2025.
(3) Un reportage dans le Journal d'Arte en témoignait récemment.

vendredi 25 avril 2025

En arrière

Ubu Trump affirme aujourd'hui que "la Crimée restera avec la Russie". L'Espagne devrait réclamer la Floride. Après tout, le traité de Paris de 1783 l'avait redonnée à l'Espagne. Et de très nombreux Floridiens parlent espagnol. La Californie aussi pourrait redevenir espagnole. Ou mexicaine. Le Mexique pourrait réclamer le Nouveau-Mexique. Et la Russie l'Alaska.
Avec Trump et sa clique d'incultes incapables, on n'a pas fini de rire. Jaune.

mardi 22 avril 2025

Hors-sol

C'est une histoire comme il y en a trop. Celle d'un jeune homme qui a trouvé sa place, mais est en butte à une administration tatillonne, sourde et aveugle. C'est l'histoire de Manssour, jeune paysan mauritanien qui travaille en CDI pour trois fermes creusoises, mais que la préfète veut renvoyer dans son pays où il est en danger.
L'un de ses patrons, producteur de fromage, était soulagé : "C’est la croix et la bannière pour trouver des employés qualifiés, polyvalents et qui restent sur des postes si difficiles", déclare-t-il au Monde (1). En l'engageant il y a deux ans, après de longues et vaines recherches, il a vite constaté "que Manssour Sow était aussi à l’aise à la traite qu’à la transformation laitière, aux volailles ou à la découpe". Malgré tout cela, malgré son intégration dans le village de Maisonnisses, son implication dans le club de foot voisin, Manssour n'obtient toujours pas son titre de séjour. "Les conditions de régularisation se sont durcies avec l’arrivée de Bruno Retailleau Place Beauvau et sa circulaire de janvier, rappelle Le Monde. Celle-ci demande aux préfets de recentrer les régularisations accordées dans les métiers en tension : sont exigés trois ans de présence en France et douze mois d’ancienneté dans le travail, et l’exercice d’un métier relevant d’une liste arrêtée par décret. En la matière, Manssour Sow coche toutes les cases. Sauf qu’il fait l’objet d’une OQTF (obligation de quitter le territoire français) non exécutée de moins de trois ans – un obstacle non négligeable, compte tenu de l’allongement de un à trois ans de la durée de validité d’une OQTF, depuis la loi sur l’immigration de 2024."
Voilà donc un homme qui se rend utile, qui travaille, dont ont un impératif besoin trois agriculteurs et que, de manière totalement insensée, l'administration veut renvoyer chez lui.  "Manssour a le plus d’ancienneté et de compétences, affirme un de ses employeurs. C’est lui qui forme les nouveaux. Quand je m’absente, je lui laisse les clés les yeux fermés. Sans lui ce serait mission impossible." Cent cinquante habitants ont manifesté récemment pour soutenir le jeune paysan. « A quoi bon être subventionnés par des programmes d’Etat visant à redynamiser nos villages si en parallèle ça ne se traduit pas humainement, déplore le maire, Dominique Berteloot. Manssour participe de ces efforts : c’est un jeune dans un territoire âgé, qu’on voit à la bibliothèque, aux commémorations, aux fêtes, au foot. » « S’il devait partir, ça déstructurerait nos fermes, le village, mais aussi notre famille », abonde Aurélie Lardy, chez qui loge Manssour Sow.
Le Tribunal administratif de Limoges s'est penché sur son cas et doit rendre sa décision aujourd'hui.

On voit par là que les partis politiques et les élus qui luttent fermement contre l'immigration n'ont, contrairement à ce qu'ils prétendent, aucune connaissance des besoins de terrain. Ils sont déconnectés des réalités, enfermés dans une idéologie qui méprise quantité d'employeurs et est nuisible au dynamisme local. Et à l'avenir de personnes qui ne souhaitent que se réaliser utilement et s'intégrer. Ces partis et ces élus sont hors-sol, quand ceux qu'ils méprisent ont les pieds bien plantés dans leur terre.

Post-scriptum (23.4) : Le tribunal de Limoges enjoint à la Préfecture de la Creuse de réexaminer le cas de Manssour d'ici un mois. https://www.lamontagne.fr/limoges-87000/economie/le-tribunal-administratif-de-limoges-ordonne-a-la-prefecture-de-creuse-de-reexaminer-la-situation-de-manssour-sow-travailleur-agricole-sans-papier_14676204/

(1) https://www.lemonde.fr/societe/article/2025/04/17/dans-la-creuse-la-mobilisation-pour-regulariser-un-ouvrier-agricole-sans-papiers-emblematique-du-manque-de-main-d-uvre_6596970_3224.html
https://www.lamontagne.fr/maisonnisses-23150/actualites/le-seul-crime-que-jai-commis-cest-de-travailler-en-creuse-un-ouvrier-agricole-est-menace-d-expulsion_14675619/

samedi 19 avril 2025

La confession

Le Vatican et les évêques de France vont-ils se confesser ? Depuis 1955, ils savaient que l'abbé Pierre était un sacré déviant. Depuis septante ans, ils avaient connaissance d'accusations à son encontre d'agressions sexuelles. Mais ils se sont tus. C'est que selon l'évêque de Versailles de l'époque, l'abbé Pierre était devenu « un symbole aux yeux des masses qu’il galvanise à la manière d’un prophète ». On ne touche pas aux prophètes. Seuls eux peuvent toucher.
Ce sont les journalistes Laetitia Cherel et Marie-France Etchegoin qui révèlent cette information dans leur livre  « L’Abbé Pierre, la fabrique d’un saint » (Allary Editions). "Elles rapportent, écrit Le Vif (1) une « ‘procédure judiciaire’, entamée par l’organe de la curie romaine chargé de contrôler les moeurs et la foi des membres de l’Église, le Saint-Office », qui a été « freinée par les évêques en France, vite refermée et enterrée deux ans plus tard, en 1957″. Les alertes ont été nombreuses entre 1955 et 1957, venues notamment du Canada et des Etats-Unis, mais ignorées. Et l'abbé vedette a pu poursuivre ses agissements pervers en toute sérénité pendant des décennies.

Peut-être ses supérieurs hiérarchiques se sont-ils contentés de l'inviter à se confesser. C'est pratique la confession : vous avouez vos péchés, et hop une petite amende que l'Eglise catholique appelle pénitence. Deux pater, trois ave, éventuellement un peu de flagellation et vous voilà lavé de vos péchés. Vous récidivez ? Pas de problème : vous vous confessez à nouveau. C'est le godwashing. Reste à présent aux victimes de ce prophète malsain à porter plainte contre le Vatican et tous ceux qui savaient mais ont pratiqué l'omerta pour ne pas faire tomber un faiseur de fidèles.

Mais l'affaire est déjà éclipsée : en ce week-end pascal, l'Eglise catholique fait la fête. Elle n'a jamais vu autant de jeunes venir à elle. Le nombre de jeunes qui demandent le baptême atteint des records : "plus de 17 800 personnes devaient recevoir le baptême à Pâques, rapporte Le Monde (2), soit 45 % de plus qu’en 2024. Si les femmes représentent environ les deux tiers de ce groupe, c’est surtout sa jeunesse qui frappe : les mineurs constituent 41 % de l’ensemble, et les 18-25 ans 42 % des adultes. Si le dynamisme est indéniable, il ne compense toutefois pas la chute, ces dernières décennies, des baptêmes de nouveau-nés."
Les évêques et les prêtres constatent que "parmi ces catéchumènes, et en particulier chez les plus jeunes d’entre eux, la découverte de la foi s’accompagne d’une soif de radicalité, qui, elle-même, passe par une demande de cadres stricts et de règles comportementales précises. Là encore, le mimétisme avec l’islam saute aux yeux : pour beaucoup, établir ces règles revient à tracer une frontière nette entre le licite et l’illicite."
Une frontière qui semble bien floue pour une Eglise enfermée dans son hypocrisie.

(1) https://www.levif.be/international/europe/france/le-vatican-savait-tout-et-depuis-longtemps-des-agissement-de-labbe-pierre/
(2) https://www.lemonde.fr/societe/article/2025/04/18/les-catechumenes-une-jeunesse-catholique-en-quete-de-radicalite_6597472_3224.html

mardi 15 avril 2025

Trumpisation des campagnes

On s'interroge. Ce calicot accroché ce soir sur la façade de la Communauté de communes Marche occitane - Val d'Anglin à Lignac pose question : qui donc peut s'opposer aux couloirs écologiques ? Des militants de l'urbanisme qui souhaitent que la bétonisation s'étende partout dans les campagnes ? Des anti-nature et même anti-chasse qui craignent que la vie sauvage se développe ? Des hypocondriaques qui ont peur des maladies que peuvent transmettre les être vivants qu'ils ne contrôlent pas ? Des amateurs de golf ? A moins qu'il ne s'agisse simplement de militants d'extrême droite, stupides et craintifs de ce qui leur est étranger, comme peuvent l'être des militants d'extrême droite. 




Post-scriptum : il semble bien que des agriculteurs soient les auteurs de cet étrange calicot. "Les villes devraient être construites à la campagne, l'air y est tellement plus pur", écrivait Alphonse Allais. A contrario, la campagne devrait s'installer en ville, la nature y est moins présente. Les agriculteurs pourraient y produire sur le bitume. 
On notera que, comme les chasseurs, les agriculteurs se présentent souvent comme les premiers des écologistes. La terre, nous en vivons, nous la respectons, nous serinent-ils. Allez savoir pourquoi on a du mal à les croire.


samedi 12 avril 2025

Béotien

Entendu ce midi sur France Inter dans un sujet sur la lecture : "Trump ne lit rien, jamais".
Tout s'explique. 

Non seulement il ne lit pas, mais, en plus, ce philistin veut empêcher les autres de lire. 
La bibliothèque Haskell à Stanstead n'a pas d'équivalent dans le monde. Littéralement à cheval sur la frontière américano-canadienne, l’endroit avait (...) été construit comme un espace de culture pour rassembler les deux communautés, rappelle la présidente québécoise du conseil d'administration de la bibliothèque. Depuis plus de cent ans, les visiteurs tant américains que canadiens y avaient librement accès grâce à un accord entre Washington et Ottawa. Ce qui ne plaît pas au Père Ubu. L'accès principal pour les Canadiens vient d'être fermé, à la suite d’une "décision unilatérale" du gouvernement américain. "L’identité même de la bibliothèque puise dans la longue histoire de coopération et d’harmonie entre les deux pays", affirme Sylvie Boudreau. "Pour accéder à la porte d’entrée de la bibliothèque et salle d’opéra Haskell, il faut emprunter le trottoir qui se trouve sur le territoire des États-Unis", indique le quotidien québécois Le Devoir (1). Désormais, les Canadiens devront imaginer et mettre en place une autre solution d'accès.

Récemment, la secrétaire à la Sécurité intérieure américaine, Kristi Noem, est venue sur place, moins pour visiter la bibliothèque que pour narguer les Canadiens. "Elle « s’amusait » à sauter de part et d’autre d’une ligne tracée au sol pour marquer la frontière, tout en déclarant que le côté canadien était le « 51e État », un « grand manque de respect », selon la présidente de la bibliothèque." Cette institution symbole d'amitié et de rencontre entre les deux pays est désormais, du fait des béotiens qui dirigent les Etats-Unis, celui de la fracture. S'attaquer aux savoirs et aux sciences semble bien être le principal objectif de cette bande de cowboys illettrés. 

(1) https://www.ledevoir.com/societe/857908/autorites-americaines-restreignent-acces-bibliotheque-stanstead
Sujet dans le Journal d'Arte de ce 12 avril : https://www.arte.tv/fr/videos/122485-029-A/arte-journal-12-04-2025/ (à partir de 5'50).


mardi 8 avril 2025

Le club des immatures

Trump et sa clique de cowboys sont des professionnels de la suffisance et du cynisme, mais des amateurs en politique, en économie et en sécurité. Avec eux, l'Amérique n'est pas plus grande, elle est de plus en plus fragile et racrapotée sur elle-même. Elle fait rire et pleurer, elle effraie, elle inquiète par le niveau d'incompétence fanfaronne de ses dirigeants.

Evoquant le Signalgate, le Wall Street Journal (qui n'est pas vraiment un journal de gauche...) écrit que quand on pense à l'équipe de Trump "le terme immature vient à l'esprit. Malhabile aussi. Il y a beaucoup d'amateurisme dans tout ça.". Les échanges à propos de la préparation d'une attaque contre les Houthis ont eu lieu sur une application cryptée destinée au grand public. Un peu comme si ces dix-neuf ministres et (ir)responsables divers s'étaient réunis dans une arrière salle de restaurant croyant y être à l'abri d'oreilles indiscrètes. "On n'a pas l'impression ici d'être en présence de professionnels impassibles, d'autant qu'ils s'expriment souvent sur le registre de l'émotion." D'autant aussi qu'ils ont invité par erreur dans ce groupe, censé être confidentiel et protégé, le directeur de la rédaction de The Atlantic. Et qu'ils ont eu le culot (et la bêtise) de le nier et de s'attaquer à la personnalité du journaliste qui dès lors a tout publié en bloc. "Ce qui les a fait passer pour doublement stupides. Ils donnaient l'impression de gens qui n'étaient ni très malins, ni fins stratèges." Finalement, écrit encore The Wall Street Journal, "ce n'est pas l'hypocrisie qui est au cœur de ce scandale, mais l'imprudence, la bêtise et le déni". (1)

Aujourd'hui, c'est la course en avant de Trump sur les droits de douane qui effraie les bourses et de grands investisseurs américains (2). Il s'imaginait qu'il allait mettre à genoux tous les pays de la planète. Et il découvre, surpris et fâché, que la Chine notamment augmente, à son tour, ses droits de douane sur les produits d'importation des Etats-Unis. Trump trépigne. On l'entendra bientôt hurler que c'est lui qui en a eu l'idée le premier. Avec lui, on ne quitte jamais vraiment la cour de récréation. Si ce n'est que ses décisions immatures peuvent avoir (et ont déjà eu, quand on songe aux dégâts considérables engendrés par la suppression des budgets de l'Usaid) des conséquences catastrophiques sur son propre pays comme dans le monde. Mais Ubu ne se trompe jamais. Seuls les autres ont tort.

Père Ubu, entrant. -- Oh ! vous savez, ce n'est pas moi, c'est la Mère Ubu et Bordure.
(Alfred Jarry, Ubu Roi, acte I, scène VI)

(1) Peggy Noonan, "Le Signalgate, un fiasco créé par des dirigeants immatures", 27.3.2025, in Le Courrier international, 3.4.2025.
(2) https://www.lemonde.fr/economie/article/2025/04/08/droits-de-douane-entre-donald-trump-et-les-marches-financiers-un-bras-de-fer-tres-risque_6592437_3234.html

dimanche 6 avril 2025

Votez Miss Culot (monstre)

On en apprend tous les jours. On ignorait que Martin Luther King avait été condamné pour détournement de fonds publics et avait ainsi été déchu du droit de vote. La fille à papa Le Pen se réclame de lui dans son combat pour "les droits civiques des Français aujourd’hui (...) mis en cause ".
Si on élit demain la reine du culot, elle l'emportera haut la main. 

mercredi 2 avril 2025

Une voix étouffée

 Boualem Sansal a été condamné à cinq ans de prison. Honte à l'Algérie ! Et à tous ceux qui se taisent.


Au-dessus de l'entrée du Théâtre du Soleil


Et devant la mairie du 5e arrondissement à Paris.





lundi 31 mars 2025

Les dégâts de la Marine

La fille à papa a hérité du parti de son père. Elle l'a pris tel quel, tout en essayant de le dédiaboliser, d'en donner une image plus respectable, de laisser croire qu'il était moins raciste, moins antisémite, moins injurieux. Elle en a cependant gardé les pratiques, tout en sachant que certaines étaient illégales. Le FN-RN a toujours craché sur l'Union européenne tout en l'utilisant à son avantage même si c'était au mépris des règles. Lors du procès qui vient de s'achever pour détournement de fonds au Parlement européen, elle et les élus de son parti n'ont marqué aucun regret de n'avoir pas respecté ces règles.
Aujourd'hui, on les entend tempêter : l'inéligibilité décidée de Marine Le Pen et de huit eurodéputés de son parti serait une attaque contre la démocratie. Mais sur quoi repose une démocratie sinon sur des règles ? Elle vacille quand ses dirigeants les modifient à leur avantage. Comme Erdogan qui emprisonne ses opposants pour essayer de gagner des élections qu'il s'attend à perdre. Comme Ubu Trump qui envisage déjà deux mois après le début de son second mandat d'en faire un troisième, ce que lui interdit la Constitution américaine. Quand on entend Poutine et Orban venir au secours de la fille à papa, on n'arrive pas à croire que c'est la démocratie qui est en danger, mais plutôt l'autocratie. Savoir qu'il existe une justice et qu'elle fait respecter les lois est rassurant et fait précisément croire en la démocratie.
"Tête haute, mains propres", disaient-ils. Aujourd'hui, ils baissent la tête, les yeux sur leurs mains sales. 

samedi 29 mars 2025

Culture et barbaries

Le première image, immense, est celle de Poutine. En gros plan. Il annonce l'attaque de l'Ukraine. Il faut la dénazifier, affirme-t-il, la démilitariser. On entend une voix féminine qui hurle "Ta gueule !" et on voit une femme se jeter sur cette image projetée sur la toile de fond de scène, l'agiter, tenter de l'arracher. Le visage de Poutine se déforme, autant que sa voix. Et tous deux finissent par se figer. Poutine s'arrête dans un rictus qui lui laisse un air idiot. 
Voilà la première scène de "Ici sont les dragons - première époque - 1917, La victoire était entre nos mains", le dernier spectacle du Théâtre du Soleil (1).
On y passe des tranchées de la Première guerre mondiale au Palais d'Hiver de Petrograd, du front germano-russe dans l'ouest de l'Ukraine à la scène du théâtre à la Cartoucherie de Vincennes. C'est la naissance des totalitarismes que nous remémore ce spectacle vertigineux, glaçant et fascinant à la fois. Les totalitarismes d'hier qui annoncent - on le comprend vite - ceux d'aujourd'hui. 
« Pour pouvoir envisager qui est Vladimir Poutine, nous devions comprendre de quel ventre, encore fécond, il sortait », expliquait au Monde (2) Ariane Mnouchkine, directrice et metteuse en scène.
"Ariane Mnouchkine et le Théâtre du Soleil ont voulu remonter aux sources, comprendre les rouages de cet infernal système despotique, écrit Fabienne Pascaud dans Télérama (3). Pendant des semaines, des mois, ils ont entrepris un colossal travail de recherche, de lecture d’essais historiques, politiques, sociologiques, de biographies. Pour nous faire entendre et voir en langues russe, allemande, française, et en scènes hautes en couleur, passions, violences et même facéties, comment la guerre de 1914-1918, la révolution bolchevique de 1917 ont permis le marasme."
On y entend les inquiétudes de Churchill, les premières réflexions hallucinées du caporal Hitler, les certitudes sourdes de Lénine et des siens qui ont confisqué dès le début, à leur profit, la révolution et anéanti tout espoir de démocratie. "C'est nous qui décidons - je veux dire le parti."
« La vérité des faits a été trop trahie. Cette histoire est celle d’un mensonge de dimension planétaire dont nous subissons encore les conséquences », affirme Ariane Mnouchkine au Monde.

Les dragons pondent leurs œufs dans d'innombrables nids, mais plus nombreux encore sont les fous qui s'y précipitent pour les couver.
Extrait du spectacle "Ici sont les dragons", Théâtre du Soleil.

A quelques pas de la Cartoucherie de Vincennes, dans le 4e arrondissement de Paris, le Musée Picasso présente une exposition temporaire intitulée « L’art dégénéré : le procès de l’art moderne sous le nazisme". Elle revient sur l’exposition de propagande Entartete Kunst, organisée en 1937 à Munich, qui présentait plus de 700 œuvres d’une centaine d’artistes, représentants des différents courants de l’art moderne, d’Otto Dix à Ernst Ludwig Kirchner, de Vassily Kandinsky à Emil Nolde, de Paul Klee à Max Beckmann, de Vincent Van Gogh à Pablo Picasso, dans une mise en scène conçue pour provoquer le dégoût du visiteur. Ce fut le début d'une purge. Plus de 20 000 œuvres de 1400 artistes classés dégénérés aussi bien en France, qu’en Allemagne, sont ainsi retirées, vendues ou détruites. Le Musée Picasso présente une soixantaine de ces œuvres sauvées de la censure destructrice des nazis. "Sur les murs du musée Picasso, la réunion de ce petit noyau de tableaux et de sculptures présentés à Munich cause aussi un électrochoc, mais inversé, écrit Sophie Cachon dans Télérama (5). On y découvre, troublé, la puissance toujours aussi palpable de mouvements n’ayant en commun que l’impardonnable modernité honnie des partisans de Hitler." Et on pense aux artistes russes d'aujourd'hui qui ont fui leur pays, à la volonté de Poutine de disposer d'une industrie cinématographique qui raconte son Histoire. On pense à Trump qui fait la chasse aux politiques culturelles et aux artistes qui font selon lui de l'idéologie et veut prendre le contrôle d’institutions culturelles pour restaurer la « vérité dans l’histoire américaine » (6). Et on se dit que l'Histoire ne nous a rien appris et que ce sont ces gérontocrates qui sont atteints de dégénérescence. 

Ce temps m'en veut. Je ne fais pas son affaire. Je suis trop peu nationaliste, pas assez raciste. Le bruit m'effraie ; au lieu de jubiler quand rugit le "Heil", au lieu de lever le bras à la romaine, j'enfonce mon chapeau sur la tête.
Ernest Barlach, lettre à Reinhard Piper, 11 avril 1933, cité dans l'exposition "L’art dégénéré : le procès de l’art moderne sous le nazisme".

Le jeu était terminé. (…) On m’appelait « artiste dégénéré », « l’effroi du citoyen », « corrupteur de la jeunesse », « fleur de pénitencier ».
Oskar Kokoschka, Ma vie, 1971

(1) Jusqu'au 27 avril - 
https://theatre-du-soleil.fr/fr/notre-theatre/les-spectacles/ici-sont-les-dragons-2024-2470
(2) https://www.lemonde.fr/culture/article/2024/11/27/avec-ici-sont-les-dragons-ariane-mnouchkine-sur-le-pied-de-guerre_6416612_3246.html
(3) https://www.telerama.fr/theatre-spectacles/ici-sont-les-dragons-ariane-mnouchkine-et-le-soleil-face-a-un-immense-defi-theatral_cri-7035799.php
(4) Jusqu'au 25 mai -
https://www.museepicassoparis.fr/fr/lart-degenere-le-proces-de-lart-moderne-sous-le-nazisme
(5) https://www.telerama.fr/arts-expositions/l-art-degenere-au-musee-picasso-une-exposition-historique-sur-ces-uvres-jugees-subversives-par-les-nazis_cri-7036917.php
(6) https://www.lemonde.fr/international/article/2025/03/28/donald-trump-veut-prendre-le-controle-d-institutions-culturelles-pour-restaurer-la-verite-dans-l-histoire-americaine_6587248_3210.html



mardi 25 mars 2025

Autocrates pour l'éternité

Comment rester au pouvoir ?
Il y a la méthode Poutine : empoisonner ses opposants, organiser des accidents domestiques dont ils sont étrangement victimes ou les faire abattre par des hommes de main.
Il y a la méthode Netanyahou : continuer coûte que coûte la guerre pour éviter d'être traduit en justice et se débarrasser des magistrats gênants.
Il y a la méthode Erdogan : emprisonner par milliers ses opposants en les accusant de délits imaginaires.
Il y a la méthode Trump : supprimer les élections. Avant d'être réélu en novembre, il avait annoncé que cette élection serait la dernière. Un de ses sbires vient de le confirmer.
La suffisance dévore ces autocrates. Peu importent les morts, les droits humains, l'économie, l'environnement, seul compte leur pouvoir qu'ils rêvent éternel. Ils sont et seront empereurs d'un champ de ruines et de désespoir.
Les dictateurs sont comme les transhumanistes : ils rêvent d'immortalité. Nous, on ne rêve pas. On fait des cauchemars.

dimanche 23 mars 2025

Le courage

Alexander Skobov est de ceux qui forcent le respect et l'admiration. A l'âge de dix-neuf ans, il avait été arrêté pour avoir publié un magazine critique du gouvernement soviétique et avait été condamné à suivre un traitement psychiatrique dans un hôpital pénitentiaire pendant trois ans. Ce traitement ne l'a pas brisé. Ce « marxiste n’acceptant pas le régime soviétique » a une nouvelle fois, en 1982, été condamné pour « propagande antisoviétique » et contraint à un nouveau traitement psychiatrique. Il a alors passé cinq ans à l’hôpital, avant d’être libéré à l’été 1987. Ce traitement ne l'a pas brisé. Professeur d’histoire, il est resté actif politiquement et s’est opposé dès le début à Poutine qu'il qualifie de "nouvel Hitler". Vendredi, il a été condamné à seize ans de prison pour « apologie du terrorisme » et « participation aux activités d’une communauté terroriste ». La Russie, comme tous les régimes totalitaires, accuse ses opposants de ses propres crimes. 

Alexander Skobov s'est rangé, dès les premières invasions russes, du côté de l'Ukraine. "La Russie n’était attaquée par personne, elle n’était menacée par personne. C’est le régime nazi de Poutine qui a attaqué l’Ukraine. Uniquement au nom de la mégalomanie de ses dirigeants, et de leur soif inhumaine de domination sur tout ce qui les entoure. Ils affirment leur pouvoir en tuant des centaines de milliers de personnes. Ce sont des dégénérés, des rebuts de l’humanité, une racaille nazie. La culpabilité de la dictature nazie de Poutine dans la préparation, le déclenchement et la conduite d’une guerre d’agression est évidente et ne nécessite aucune preuve. De la même manière, notre droit à une résistance armée contre cet agresseur, que ce soit sur le champ de bataille ou de l’intérieur de son territoire, ne nécessite aucune justification. Mais il serait risible d’attendre une telle reconnaissance de la part d’un régime qui jette les gens en prison simplement parce qu’ils ont exprimé une condamnation morale de l’agression. Toutes les possibilités de protestation légale contre l’agression de la Russie de Poutine ont été anéanties."

Alexander Skobov savait qu'il retournerait en prison. Lors de son procès, il a dénoncé le rapprochement entre Moscou et Washington : « Depuis 1945, l’Europe construit un monde sur les principes du droit, de la justice, de la liberté et de l’humanisme. Aujourd’hui, ce monde est mis en pièces par deux scélérats des deux côtés : le Kremlin et Washington, où des personnes aux valeurs profascistes sont arrivées au pouvoir. Nous assistons à une tentative répugnante de conspiration purement impérialiste entre deux prédateurs, encore plus vile que les accords de Munich de 1938. » Alexander Skobov va être envoyé dans une colonie pénitentiaire de haute sécurité. Il ne fera pas appel. "Je n’ai rien à débattre avec les marionnettes de la dictature sur la manière dont elles appliquent leurs lois, déclarait-il en janvier dernier. De toute façon, ces lois sont celles d’un État totalitaire, conçues pour réprimer la dissidence. Je ne reconnais pas ces lois et je ne m’y soumettrai pas. Que les armes parlent pour moi. Je ne ferai pas non plus appel contre les décisions ou actions des représentants du pouvoir nazi. Je ne cherche pas la clémence de mon adversaire armé."

https://www.lemonde.fr/international/article/2025/03/21/russie-l-historien-alexander-skobov-condamne-a-seize-ans-de-prison_6584368_3210.html
https://desk-russie.eu/2025/01/27/je-nai-rien-a-debattre-avec-les-marionnettes-de-la-dictature.html

vendredi 21 mars 2025

La Mecque du mépris

Boualem Sansal est à présent menacé de dix ans de prison. C'est la peine réclamée contre lui par le tribunal correctionnel de Dar El Beida, près d’Alger. Il est poursuivi, rapporte Le Monde (1), en vertu de l’article 87 bis du code pénal, qui sanctionne « comme acte terroriste ou subversif tout acte visant la sûreté de l’Etat, l’intégrité du territoire, la stabilité et le fonctionnement normal des institutions ». Selon son éditeur Gallimard, il fait l’objet de plusieurs chefs d’accusation, notamment « atteinte à l’unité nationale, outrage à corps constitué, pratiques de nature à nuire à l’économie nationale et détention de vidéos et de publications menaçant la sécurité et la stabilité du pays ». Pour dire les choses plus simplement, il a le grand tort d'être critique du pouvoir algérien. Son avocat attend toujours une réponse à ses demandes de visa.
De nombreux responsables politiques français, dont le Président, réclament, depuis quatre mois, la libération de Boualem Sansal. Une certaine gauche danse d'un pied sur l'autre à cause de sa vision particulière de la liberté d'expression.
Ce matin, le dessinateur et réalisateur Enki Bilal était l'invité de France Inter (2). il a lancé un appel à Jean-Luc Mélenchon pour qu’il soutienne Boualem Sansal. « Il y a une dizaine d'années, le leader de la France Insoumise m'avait dit tout le bien qu'il pensait de mon travail, ce qui m'avait fait très plaisir, et on a surtout évoqué la liberté de création, de penser, d'écrire, etc. Je voudrais, au nom de cette rencontre, qu'il envoie un tweet, qu'il fasse un message, comme tous les hommes politiques. Boualem Sansal risque dix ans de prison pour quelque chose de monstrueusement injuste."
L'homme connu pour sa logorrhée débridée risque cependant de rester muet. Une eurodéputée de son parti considère l'Algérie comme "La Mecque de la liberté". La France qui se dit insoumise l'est surtout à la décence et au respect des droits humains.

(1) https://www.lemonde.fr/afrique/article/2025/03/20/boualem-sansal-devant-ses-juges-je-n-ai-rien-voulu-faire-contre-mon-pays-je-n-ai-fait-qu-exprimer-une-opinion_6583875_3212.html
(2) https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/15-de-plus/15-de-plus-du-vendredi-21-mars-2025-9334730


mercredi 19 mars 2025

Ubu s'en va-t-en guerre

« Nous mesurerons notre succès non seulement par les batailles que nous gagnerons, mais aussi par les guerres que nous empêcherons, et peut-être plus important encore, par les guerres que nous ne commencerons pas ». Voilà ce qu'avait affirmé Ubu Trump le 20 janvier dernier, lors de son investiture. Il ne veut pas de guerre, mais il en fait quand même. Les récents et scandaleux bombardements à Gaza  qui ont fait plus de 430 morts ont été opérés avec son accord. Les premiers responsables en sont le Premier ministre Netanyahou et son nouveau chef de guerre, mais le président américain a clairement marqué son accord à cet épisode sanglant.
Avant cela, il avait ordonné, rappelle Pierre Haski (1), "l’action militaire la plus importante de son deuxième mandat : des bombardements massifs des zones tenues par les rebelles Houthis au Yémen. Et à travers les Houthis, il menace explicitement leur parrain, l’Iran". Cette attaque, rapporte l'éditorialiste de France Inter, "a provoqué de gros dégâts dans le port d’Hodeida ou en détruisant une centrale électrique à Sanaa, la capitale, faisant plus de 50 morts, selon un bilan des Houthis. Mais il a accompagné ce bombardement d’une mise en garde sur son réseau social : « Chaque nouveau tir des Houthis sera désormais considéré comme ayant été tiré par les armes et le leadership de l’Iran. L’Iran sera responsable et en subira les conséquences, qui seront sévères »." Bref, il est prêt à entrer en guerre avec l'Iran s'il le faut.
On voit par là que le roi de toutes les Amériques doit abandonner son grand rêve : être couronné du Prix Nobel de la Paix. Souvent homme varie. Surtout lui.

lundi 17 mars 2025

Se mobiliser (continuer à)

En 1967 et 1968, la jeunesse était dans la rue. Elle se soulevait un peu partout dans le monde. Pour s'opposer à la guerre du Vietnam, mais aussi à un monde sclérosé, conservateur, enfermé dans la reproduction de vieilles valeurs, un monde qui avait fait de la consommation le but de la vie.
Il y a quelques années, les jeunes (et aussi de moins jeunes), un peu partout à travers la planète, se mobilisaient pour la sauvegarde du climat. Il y a cinq ans, la crise du Covid-19 nous laissait croire à un monde nouveau, plus sobre, plus raisonnable, respectueux du vivant. Mais le vieux monde est reparti de plus belle au mépris de l'avenir de la planète et de l'humanité. Et nous voilà en 2025 dans le pire encore, un monde qui se fait la guerre, qui s'arme, qui se déchire, où on assiste médusés à un combat entre deux vieux primates primates prêts à mettre la terre à feu et à sang pour s'imposer comme le mâle alpha avec le soutien de populations déboussolées qui pensent trouver en eux un guide. La guerre est à nos portes et le monde à deux doigts de sa perte. Nous nous scandalisons, nous nous indignons, mais que faisons-nous ? Nous assistons à la destruction du monde et des valeurs humanistes scotchés à nos écrans. Nous devrions manifester quotidiennement devant les ambassades russe et américaine, mais nous nous contentons de soupirer depuis nos canapés. Prisonniers de notre confort, nous refusons de remettre en question nos modes de vie dévastateurs, nous continuons à voyager, à consommer, à vivre comme hier alors que demain est plus que jamais menacé. 

L'ambiance est plombée et nous le sommes tout autant, peu réactifs. Les réseaux qu'on dit sociaux nous referment sur nous-mêmes, cultivent l'individualisme, montent les identités les unes contre les autres.
Sur France Inter, une journaliste a pris l'habitude de demander, à son invité, à la fin de son interview, de choisir entre liberté, égalité et fraternité. La plupart des personnalités choisissent la liberté. La liberté, c'est trop souvent celle de faire ce qu'on veut, au mépris des conséquences collectives de nos actes, celle de rejeter, d'insulter voire d'agresser qui n'est pas ou ne pense pas comme nous. Ce qui nous fait défaut actuellement, c'est la fraternité, la solidarité, le souci du bien collectif. Bien sûr, on voit un peu partout des gens, des jeunes notamment, continuer à se mobiliser pour la paix, pour la planète, pour le bien commun. Mais les mouvements sont épars, éclatés, discrets, trop discrets. Sommes-nous fatigués, désespérés ?

"Les jeunes font face à une situation inédite dans l’histoire de l’humanité, estime Nellly Pons, autrice de Le Grand épuisement (1). Si les générations précédentes ont connu des crises économiques ou sanitaires, la montée des guerres et des extrémismes, les jeunes d’aujourd’hui doivent, en plus, faire face à l’idée de finitude, c’est-à-dire celle de notre potentielle mort collective du fait de nos activités. Le fait d’avoir d’ores et déjà dépassé six des neuf limites planétaires, propulsant l’humanité hors de sa zone de sûreté, est quelque chose de totalement nouveau. Non seulement c’est d’une violence inouïe, mais en plus, les jeunes ne sont pas aux commandes. Ils n’occupent pas les postes stratégiques et décisionnels qui pourraient influer sur le cours des choses. Il y a de quoi se sentir totalement démuni."
A la suite d'Hartmut Rosa, philosophe et sociologue, Nelly Pons s'appuie sur le concept de résonance. "Il nous invite à réagir au monde avec empathie, à se laisser traverser par lui, à entrer en relation. C’est exactement ce qui nous manque aujourd’hui, en témoigne l’épidémie de solitude qui se répand dans les sociétés occidentalisées. La notion de résonance peut aussi être étendue à la relation que nous entretenons avec nos milieux de vie et les êtres qui les peuplent, aux vivants non-humains. Nous ne devrons notre salut qu’à notre capacité à comprendre notre interdépendance avec le monde vivant, en en respectant l’intégrité et en s’inspirant de ses dynamiques pour réorganiser nos sociétés humaines."

Résumons-nous : résonnons, résonnons !

 (1) Actes Sud, 2025, 
https://www.levif.be/societe/nelly-pons-autrice-ne-serions-nous-pas-en-train-de-faire-un-burnout-collectif/

jeudi 13 mars 2025

Sinistres comiques

Le tsar et sa clique de mafieux ont enfin une bonne idée : démilitariser l'Ukraine. C'est une des conditions que pose le dictateur russe. En contre-partie, il faudra alors, dans le même temps, ce n'est que logique, que la Russie en fasse autant. Sinon, le grand méchant loup avalera cette Ukraine sans défense. L'agressé se désarmerait tandis que l'agresseur conserverait sa force de destruction ? Ce ne serait que naïveté autodestructrice de l'accepter. Dans la foulée, il faudra que tous les autres pays suivent. Démilitarisons la planète. Et consacrons les énormes économies ainsi réalisées à la lutte contre le dérèglement climatique et donc à la sauvegarde de la biodiversité à laquelle appartient l'humanité. Sortons de la logique suicidaire dans laquelle nous entraînent les nuisibles.
Ce n'est - évidemment - pas ce qu'envisage le tueur en série Poutine : les petits ne peuvent attaquer, ni même se défendre. Ils doivent laisser les grands les agresser librement. Et il prévient : déployer des soldats de la paix en Ukraine serait une déclaration de guerre à la Russie. Qui peut croire une seule seconde que le régime russe aspire à la paix ? Poutine a décidément un humour particulier.

De l'autre côté, Ubu Trump, l'autre grand humoriste actuel, continue à vouloir englober le Canada dans les Etats-Unis. Tout comme le Groenland. Il semble réellement convaincu qu'une part importante du monde se rêve américaine. Il vomit le terme inclusion, mais veut l'appliquer aux autres Etats. Tous les Etats du monde devrait aujourd'hui annoncer qu'ils veulent annexer les Etats-Unis. Pas sûr que Trump soit capable de goûter l'ironie. 

Depuis la (non) rencontre entre le président Zelensky et son homologue américain flanqué de son roquet, qui ont tous deux reçu le premier de la plus ignominieuse des façons, la relation a évolué plus favorablement grâce à des représentants américains moins rustres (1). Et la balle est à présent dans la camp du tsar de toutes les Russies.
Avant cela, Claude Malhuret, sénateur français, avait tenu un discours vif et carré à la tribune du Sénat (2).
"L’Europe est à un tournant critique de son histoire. Le bouclier américain se dérobe, l’Ukraine risque d’être abandonnée, la Russie renforcée. Washington est devenu la cour de Néron. Un empereur incendiaire, des courtisans soumis et un bouffon sous kétamine chargé de l’épuration de la fonction publique. C’est un drame pour le monde libre, mais c’est d’abord un drame pour les États-Unis." Son message tourne en boucle notamment aux Etats-Unis où il a été vu par des millions de personnes qui étaient visiblement en attente d'un discours aussi clair et percutant.
"Jamais dans l’histoire un président des États-Unis n’a capitulé devant l’ennemi. Jamais aucun n’a soutenu un agresseur contre un allié. Jamais aucun n’a piétiné la Constitution américaine, pris autant de décrets illégaux, révoqué les juges qui pourraient l’en empêcher, limogé d’un coup l’état-major militaire, affaibli tous les contre-pouvoirs et pris le contrôle des réseaux sociaux. Ce n’est pas une dérive illibérale, c’est un début de confiscation de la démocratie. Rappelons-nous qu’il n’a fallu qu’un mois, trois semaines et deux jours pour mettre à bas la République de Weimar et sa constitution."
En un mois, constate-t-il, Trump a fait plus de dégâts qu’en quatre ans de sa présidence précédente. "Nous étions en guerre contre un dictateur, nous nous battons désormais contre un dictateur soutenu par un traître." Nous devons faire face, clame Claude Malhuret. Parce que la défaite de l'Ukraine serait aussi celle de l'Europe. Il faut réarmer militairement et moralement celle-ci. "Le sort de l’Ukraine se joue dans les tranchées, mais il dépend aussi de ceux qui aux États-Unis, veulent défendre la démocratie, et ici de notre capacité à unir les Européens, à trouver les moyens de leur défense commune et à refaire de l’Europe la puissance qu’elle fut un jour dans l’Histoire et qu’elle hésite à redevenir. Nos parents ont vaincu le fascisme et le communisme au prix de tous les sacrifices. La tâche de notre génération est de vaincre les totalitarismes du 21e siècle."
On aimerait que tous les chefs d'Etat européens, des membres du Parti Républicains (s'ils ne sont pas tous transformés en valets agenouillés), que les Démocrates, les soi disants influenceurs qui défendraient la démocratie et le droit, aient une voix aussi forte. Que tous leurs discours couvrent le bruit et la fureur qui dominent. Et nous redonnent espoir.

mardi 11 mars 2025

Libérez Boualem Sansal

Depuis quasiment quatre mois, Boualem Sansal est emprisonné par le régime algérien. Régime dictatorial et aussi antisémite. "Selon des sources judiciaires algériennes, rapportait en février Le Courrier international (1), des hommes sont venus dans la chambre du romancier pour lui conseiller vivement de changer de conseil et de prendre « un autre avocat français non juif. » Pour essayer de l’en convaincre, ces émissaires particuliers ont expliqué que le remplaçant non juif de Me François Zimeray aurait une chance d’obtenir un visa afin de pouvoir le visiter." Dans la foulée, l'écrivain a entamé une grève de la faim. On cherche en vain de ses nouvelles depuis lors. Son avocat, qui n'a toujours pas pu le voir, vient d'affirmer qu'il n'en a plus aucune depuis deux semaines.
En février, de nombreux écrivains, francophones et étrangers, se sont rassemblés à Paris pour réclamer la libération de l'écrivain franco-algérien.
Le Monde (2) rapporte que pour Pascal Bruckner, l’embastillement de Sansal est le symptôme de la « peur profonde » qui anime ce régime. "Tout pouvoir qui emprisonne un écrivain est un pouvoir faible et, en général, il ne dure pas, a prévenu Sylvain Tesson, avant de cingler : « Le président Tebboune possède les clés d’une geôle, mais c’est tout le pouvoir qu’il possède. Dans l’histoire de l’humanité, personne ne citera jamais plus une seule phrase de lui, alors que l’œuvre de Boualem demeurera vivante. » S’adressant à son tour au dirigeant algérien afin de lui confier une « parole amicale », Daniel Pennac a lancé : « Pour l’amour de l’intelligence et de la douceur humaine, rendez sa liberté à Boualem… et, tant que vous y êtes, rendez-lui aussi l’Algérie »".
"Des écrivains ont stigmatisé les « idiots utiles, bien installés dans leur sofa parisien, qui pinaillent » (selon les mots de Sorj Chalandon), jusqu’à insinuer que, au fond, Sansal l’a bien cherché… « Aurait-il dû dire patati, et pas dire patata ? La vie intellectuelle est pleine de Purgon et de Diafoirus qui tâtent le pouls et la conscience de l’écrivain emprisonné », a déploré Philippe Lançon. « Nous sommes là pour toi, Boualem, a promis Paule Constant, nous sommes là pour toi sans l’ombre d’un “mais”. »"
Le 13 mars, c'est à Bruxelles qu'aura lieu un rassemblement de soutien à l'initiative des Universalistes. "Libérez Boualem Sansal, là, immédiatement, sans condition !!! Emprisonné depuis le 16 novembre 2024, l'immense romancier franco-algérien, est arbitrairement détenu, en Algérie, accusé de « complot contre la sûreté de l’État ». Condamné au silence et à l'isolement, il n'a pas pu s'exprimer depuis, tout comme ses avocats. Alors on spécule sur sa condition. D'autant plus que sa santé décline et qu'il est atteint d'un cancer. A nos yeux, cette situation est scandaleuse et il s'agit d'y mettre fin le plus rapidement possible.Venez faire entendre votre voix, le 13 mars prochain à 20h, au théâtre La Tricoterie, aux côtés de nombreux intellectuels, artistes et politiques qui prendront la parole pour exiger sa libération immédiate et inconditionnelle. Soutenons Boualem Sansal !"

(1) https://www.courrierinternational.com/article/justice-algerie-boualem-sansal-a-decide-d-entamer-une-greve-de-la-faim_228048
(2) https://www.lemonde.fr/afrique/article/2025/02/19/des-ecrivains-reunis-en-soutien-a-boualem-sansal-a-l-institut-du-monde-arabe-nous-sommes-la-pour-toi-sans-l-ombre-d-un-mais_6553357_3212.html

dimanche 9 mars 2025

L'Europe, plus que jamais

A qui reconnaît-on un imbécile ? Notamment à son incapacité à imaginer que les effets de son action puissent être exactement opposés à ce qu’il en attendait. La prétention et la bêtise vont souvent de pair.
Poutine allait avaler l'Ukraine en deux temps, trois mouvements, transformer les Ukrainiens en Russes et les couper à jamais de l'Europe. Et que ça saute ! Ça a sauté, mais pas comme il l'imaginait. Trois ans après, l'Ukraine résiste toujours vaillamment et cette tentative de colonisation n'a fait que renforcer la volonté des Ukrainiens d’appartenir à l’Union européenne et à l'OTAN.
De son côté, Trump, en s'alignant derrière son camarade Poutine, en trahissant l'Ukraine et en affirmant que l'Union européenne a été créée pour "foutre en l'air" les Etats-Unis a amené les Européens à resserrer les rangs et à tenter de construire une défense commune. "Donald Trump, en voulant détruire l’Europe, force sa recomposition, écrit Sylvie Kauffmann, éditorialiste au Monde (1). L’Europe qui se réveille n’a plus le même visage que l’Europe assoupie. L’UE est une formidable structure de paix, pas de guerre." A l'UE d'adapter maintenant son fonctionnement pour éviter de se laisser piéger par les complices des dictateurs, tel Orban le poutinolâtre.

L'Union européenne repose sur la démocratie, la solidarité, l'égalité hommes-femmes, le respect des droits humains, de l'Etat de droit et de la souveraineté des états. Voilà pourquoi les dictateurs rêvent de la mettre en miettes.
A l'est et à l'ouest de l'Europe, les discours déments dominent. Les théories complotistes, les contre-vérités, les arguments les plus irrationnels, les mensonges, la religion sont utilisés pour justifier l'injustifiable. "Désormais, écrit Riss (2), faire de la politique consiste d'abord à lutter contre l'irrationnel. C'est peut-être sur ce terrain que l'Europe peut marquer sa différence. Elle doit rester le continent de la raison. (...) Les droites et les extrêmes droites d'Europe et d'Amérique affirment que l'enjeu du XXIe siècle est de défendre leur identité chrétienne. Non, ce n'est pas l'identité chrétienne qui doit être défendue, mais la raison, qui est constitutive de notre identité européenne. La seule qui a émancipé les peuples et qui permet de combattre les arbitraires délirants, à la fois des idéologies religieuses et politiques."

(1) https://www.lemonde.fr/idees/article/2025/03/05/donald-trump-en-voulant-detruire-l-europe-force-sa-recomposition_6576423_3232.html
(2) Riss, "L'Europe, centre du monde libre", Charlie Hebdo, 26.2.2025.

mercredi 5 mars 2025

Insoumis à la solidarité

Les moments de grande crise sont des révélateurs. La gauche française, nous explique Le Monde (1), se déchire sur l'Ukraine. Elle est divisée depuis longtemps sur de nombreux points. Cette fois, c'est - est-ce une surprise ? - sur le soutien à l'Ukraine.
Les écologistes appellent à « un engagement militaire et financier renforcé », qui passerait notamment par « la fourniture des équipements de défense avancés » ou « le renforcement de la présence de troupes européennes dans les pays frontaliers de l’Ukraine ». Tandis que les socialistes affirment leur volonté de  « financer ce soutien militaire à l’Ukraine », de saisir « les 210 milliards d’euros d’avoirs russes gelés dans nos banques » et d’arrêter de laisser « transiter par nos ports, avec la complicité de nos entreprises, son gaz naturel liquéfié ». Enfin, il appelle à un « grand emprunt commun de 500 milliards », seule façon de « sauver la paix et la sécurité en Europe ». Pas question cependant de financer le réarmement de l'Ukraine pour les communistes et les insoumis (à la solidarité ?). Un élu communiste veut que Macron aille négocier avec Poutine (ce qu'il a déjà tenté et on sait le tsar sourd) et un élu LFI estime que « notre sécurité n’est pas en cause dans l’immédiat ». La sécurité des Ukrainiens et de leurs voisins n'a donc pas d'importance, seule compte la nôtre, pour ces élus de partis qui se sont longtemps présentés comme internationalistes et ne sont finalement que des partis souverainistes comme ceux de l'extrême droite qui prennent comme ils peuvent de timides distances avec leurs idoles Trump et Poutine.

Pour financer le réarmement de l'Ukraine, certains proposent d'utiliser les liquidités que la Banque centrale de Russie avait placées dans des établissements financiers étrangers : 300 milliards d'euros dans le monde, 209 rien qu'en Europe. Jusqu'à présent, les intérêts - un peu moins de 3 milliards par an - profitent aux Ukrainiens, mais le capital reste gelé. L'Union européenne a toujours refusé d'y toucher, par respect du droit international. Un droit dont le régime russe se moque chaque jour. Mais l'envie de puiser là de quoi financer l'aide à l'Ukraine fait son chemin. Une proposition dans ce sens sera soumise au vote du Parlement européen la semaine prochaine. Et en France, Gabriel Attal réclame maintenant la saisie de ces avoirs. De même que les socialistes et les écologistes. Le gouvernement, lui, y reste opposé, toujours au nom du droit international. "C’est aussi ce que disent les Insoumis, qu’on a connu plus offensifs contre la finance…", constatait ce matin l'éditorialiste de France Inter Patrick Cohen. "Alors, formellement, ils ont raison : le principe d’immunité souveraine protège les Etats et leurs biens. Mais dans le chaos actuel, l’argument fait doucement rigoler l’avocat spécialisé que j’ai interrogé hier. Parce que le droit international, il dit en premier qu’on ne doit pas envahir son voisin. Et que les agressions donnent lieu à des réparations. L’Irak a payé pendant plus de 30 ans pour l’invasion du Koweït, quelque 52 milliards. L’Europe pourrait donc bien faire payer la Russie tout de suite. Ou utiliser ses avoirs comme garantie. Et puis le droit, Poutine s’assied dessus, il ne respecte rien, ni le droit de la guerre, ni aucun autre. La quasi-totalité des actifs européens et américains en Russie ont déjà été confisqués. Qui imagine Poutine saisir la Cour internationale de justice, l’organe judiciaire de l’ONU, pour récupérer son argent ?"
Autre argument pour s'opposer à cette prise de guerre : l’idée du « précédent économique » qui pourrait effrayer les investisseurs. "Argument partagé là encore par le gouvernement et par les Insoumis." Ici encore,  les Insoumis se montrent tout à coup très soumis aux marchés et aux investisseurs. A moins qu'ils ne le soient au régime russe ? Conclusion de Patrick Cohen : "Contrairement à ce que l’exécutif voudrait faire croire, le sujet des avoirs russes est bien plus politique que juridique. Question d’astuce et de volonté. Pour aider l’Ukraine et gratter des roubles, il n’est pas interdit d’être un peu roublard".

Pétition à signer sur Avaaz :

Post-scriptum : 
Me revient cette chanson qu'on chantait dans les manifs fin des années '70 - début des 80.
Prenez l'argent où il est / Dans les banques, dans les banques / Prenez l'argent où il est / Dans les coffres des banquiers.
Mélenchon a dû la chanter. Il a bien changé.

(1) https://www.lemonde.fr/politique/article/2025/03/04/la-gauche-se-fracture-sur-l-aide-a-l-ukraine_6576306_823448.html
(2) https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-edito-politique/l-edito-politique-du-mercredi-05-mars-2025-8009881

lundi 3 mars 2025

Boycott USA

Serait-ce l'amorce d'un mouvement important ? Les appels au boycott des produits américains se multiplient dans le nord de l'Europe. Ailleurs aussi, on l'espère.
La compagnie pétrolière norvégienne Haltbakk Bunkers, opérateur numéro un dans les ports norvégiens, a annoncé qu'elle ne ravitaillera plus les navires de la marine américaine. Et ce suite à l'épisode scandaleux de vendredi, le « plus grand merdier jamais présenté en direct à la télévision par l’actuel président américain et son vice-président ».
"Dans son communiqué, explique Le Monde (1), conclu par le slogan « Slava Ukraini ! » (« Gloire à l’Ukraine ! »), Haltbakk Bunkers, dont le compte Facebook n’était plus accessible dimanche 2 mars, rend hommage à la retenue du président ukrainien, face au « spectacle télévisé de plantage de couteau dans le dos », organisé par l’administration américaine. « Cela nous a rendus malades », affirme l’entreprise, qui « encourage tous les Norvégiens et les Européens à suivre [son] exemple »."
Gunnar Gran, le président de Haltbakk Bunkers affirme que cette décision est « morale » :  sa compagnie a cessé de fournir les navires russes, dès le début de l’invasion à grande échelle de l’Ukraine. Il est donc logique pour lui d'en faire autant vu l'attitude  des Etats-Unis vis-à-vis des Ukrainiens. Pour lui, plus un seul litre de fuel ne sera livré aux navires militaires américains "tant que Trump n’aura pas quitté le pouvoir".
Dans les pays nordiques, les appels au boycott des produits américains se succèdent. "Si l’impact de cette action est encore difficile à évaluer, les participants espèrent inspirer une mobilisation plus large, au niveau européen, capable de faire trembler les entreprises américaines." Certains annoncent avoir vendu leurs actions dans des compagnies américaines. L'un d'eux "espère faire plonger « la Bourse américaine dans le rouge pendant quelques jours", seul moyen visiblement de toucher Trump et son équipe de mafieux. Un peu partout en Europe, les ventes de Tesla s'effondrent. Tous ces milliardaires ne connaîtront jamais le sort que leur camarade Poutine réserve aux Ukrainiens, mais si l'économie américaine est ne serait-ce qu'un peu plus small que great again, les entreprises américaines pourraient demander des comptes aux Infâmes qui dominent aujourd'hui les Etats-Unis. Les consommateurs ont un pouvoir qu'ils n'exercent pas assez (2). 

(1) https://www.lemonde.fr/international/article/2025/03/03/les-appels-au-boycott-contre-les-produits-americains-s-etendent-en-europe-du-nord_6574506_3210.html
(2) (Re)lire sur ce blog : https://moeursethumeurs.blogspot.com/2025/02/lukraine-cest-nous.html

samedi 1 mars 2025

Les perroquets de Poutine

Toute la presse parle de l'humiliation subie hier par Zelensky. Mais franchement qui est humilié dans cet épisode ignoble, sinon les Etats-Unis ? Un pays qui doit maintenant se regarder dans le miroir et admettre qu'il est présidé par deux petites frappes qui, dans la cour de récré, ont coincé un petit : "si tu ne donnes pas ton goûter au caïd, on te casse la gueule. Ferme-la, dis merci et fais-toi plus petit que tu ne l'es. T'es pas en position de discuter". On en est à ce niveau-là. Les Etats-Unis sont dirigés par un duo de gros bras grossiers, incultes et agressifs, The Poutine's Parrots. Ce ne fut pas un échange hier, mais une menace de passage à tabac d'un petit qui, après tous les coups qu'il a reçus du caïd, croyait trouver un soutien et n'a reçu que brimades, menaces et engueulades.
Lire le verbatim de cette (non) rencontre, c'est plonger dans l'irrationnel le plus effrayant.

https://www.lemonde.fr/international/article/2025/02/28/verbatim-l-escalade-verbale-entre-trump-vance-et-zelensky_6570416_3210.html

A lire aussi :
https://nepassubir.fr/2025/03/02/le-clash-zelensky-chasse-de-la-maison-blanche-par-trump-ou-par-poutine/

vendredi 28 février 2025

Répugnant

Ça fait un bon moment qu'on a compris que l'Ubu américain est un vrai sale type. Chaque jour, il dépasse les bornes, un peu plus odieux à chaque fois. Aujourd'hui, Trump a pulvérisé ces bornes. Le président américain n'est qu'un valet de Poutine, il en est devenu le porte-parole et il joue son rôle avec une arrogance plus insupportable que jamais. Quelle honte de traiter de la sorte un résistant, un président qui, avec son armée, son équipe et sa population, fait ce qu'il peut pour tenter de préserver l'indépendance de son pays face à un régime brutal qui tue, viole, massacre, détruit sans vergogne ! Quel mépris pour les Ukrainiens ! L'attitude et les mots de Trump et Vance alors qu'ils recevaient Volodymyr Zelensky sont d'une indécence totale. Les deux racketteurs ont voulu imposer leur loi, continuant à vouloir faire de l'agressé l'agresseur.

"D’un côté, rappelait ce matin Alain Frachon dans Le Monde (1), un homme qui a échappé à la conscription durant la guerre du Vietnam pour cause de malformation à un pied (aujourd’hui, ça a l’air d’aller mieux). Né richissime, Trump affiche le teint hâlé des bien portants. Il est toujours entre deux parties de golf en Floride, où il passe le quart de son temps, ses soirées bercées par le doux clapot atlantique. De l’autre côté, pâle, traits tirés, infatigable, héroïque, Zelensky préside au destin d’un pays en guerre depuis trois ans, bombardé toutes les nuits par les Russes. Il n’a pas le temps de jouer au golf, lui." 
Et l'agent orange, ce pâle type, a le culot de faire la leçon au président ukrainien. Pour qui travaille-t-il ?
"Le discours trumpiste se coule dans la rhétorique poutinienne. En moins de deux semaines, les concessions à Moscou se sont accumulées – même si elles se dessinaient déjà depuis l’administration de Joe Biden : pas d’Ukraine dans l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN) ; pas de force de l’OTAN en tant que telle pour surveiller un éventuel cessez-le-feu ; nécessaires concessions territoriales de la part de Kiev. Il y a plus. Avant même la paix en Ukraine, Trump prépare la normalisation des relations avec Poutine. Il colle à la désinformation du Kremlin : aux Nations unies et au G7, les Etats-Unis se refusent à dire que la Russie a « agressé » l’Ukraine !"
Voilà les Etats-Unis qui votent maintenant à l'ONU avec la Russie et les pires régimes de la planète.
La rencontre entre Zelensky le résistant et Trump le collabo était sans espoir. On ne peut discuter avec un tel individu bouffi de suffisance. On attend de l'Union européenne qu'elle soutienne fermement Zelensky et l'Ukraine et qu'elle rappelle au grossier personnage qu'est Trump les règles minimales de la décence. Le former à l'intelligence et au respect est mission impossible.

Post-scriptum : il y a trois jours, le Gorafi, journal satirique, annonçait que Trump exigeait que l'Ukraine s'excuse d'avoir été envahie par la Russie. On en est quasiment là.
https://www.legorafi.fr/2025/02/25/donald-trump-ordonne-a-lukraine-de-sexcuser-davoir-ete-envahie-par-la-russie/

(1) https://www.lemonde.fr/idees/article/2025/02/27/comment-en-est-on-arrive-la-a-la-guerre-a-l-exact-contraire-des-illusions-du-debut-du-siecle-a-ce-pivotement-americain-vers-la-russie_6567228_3232.html