vendredi 25 juin 2010

Rire jaune

Le difficile exercice de l'humour... Didier Porte et Stéphane Guillon viennent d'en faire les frais. Les voilà congédiés de France Inter.
Les arguments avancés par les différentes parties pour se justifier ou se défendre ne sont guère, à mon humble sens, convaincants. D'un côté comme de l'autre. Philippe Val, directeur de France Inter, estime que l'humour n'a pas sa place dans la tranche d'info du matin. Une explication qui n'en est évidemment pas. Toutes les radios ont la leur. Et France Inter en particulier. Stéphane Guillon rétorque qu'on ne vire pas quelqu'un qui fait une audience de deux millions d'auditeurs. Si les chiffres d'audience deviennent la référence ultime, on pourrait alors considérer le foot comme plus intéressant que Molière ou Handke et "Bienvenue chez les Ch'tis" aurait dû recevoir sept oscars.
J'avoue qu'il y a longtemps que je n'avais plus écouté ni Porte ni Guillon. Je les trouvais drôles, vifs, vigoureux dirais-je, féroces souvent. J'appréciais leur style, leurs formules, leur maîtrise de la langue. Mais le ton devenait trop souvent, à mon sens, plus que féroce, méchant et blessant. Volontairement. De l'humour de boxeur. On sentait bien depuis un bon moment qu'on était dans la surenchère et on se doutait quelle serait l'issue du bras de fer entre eux et la paire Hees-Val, à la tête de Radio France et de France Inter. Dans ce combat, c'est toujours le directeur qui finira par craquer et qui perdra. A tous les coups. Accusé de censurer la liberté d'expression, de protéger le pouvoir. A tort ou à raison.
Ce midi, à la fin du "Fou du roi", sur France Inter, il en était encore question. Un intervenant (que je n'ai pas identifié) affirmait que virer un humoriste de la radio parce qu'il fait de l'humour serait comme virer d'une école de chant une chanteuse parce qu'elle y chante. La comparaison me semble trop facile et impropre. Ce serait plutôt comme virer une chanteuse d'un opéra parce qu'elle chante faux. Le tout étant, je suis bien d'accord, de se mettre d'accord sur ce qu'on considère comme faux.
Voilà Val poursuivi par le syndrôme Siné qu'il a viré de Charlie Hebdo quand il en assumait la direction. A force de taper sur tout et tout le monde, Siné en avait fini par ne plus être drôle. Mais la censure ne rapporte rien au censeur. Elle sert bien le censuré. Siné a lancé son hebdo avec l'aide de nombreux autres humoristes. Les salles de Guillon et Porte seront encore plus pleines.
On peut rire de tout, disait Desproges (qui n'a jamais donné dans l'humour un peu populiste et parfois trop facile auquel on a affaire ici). Mais pas avec n'importe qui, a-t-il ajouté en recevant Le Pen au Tribunal des Flagrants Délires. La question ici, c'est: peut-on rire et faire rire n'importe comment? Quelles sont les limites de l'humour? Quand devient-il insultant? Ou agressif? Ou con malgré son semblant d'intelligence? Il est toujours plus facile d'être du côté des moqueurs. C'est moi qui le dis. Aujourd'hui, j'imagine que le politiquement correct doit consister à défendre les politiquement incorrects. Je ne défend pas Hees et Val, mais je n'arrive pas à être politiquement correct.
Une citation de Montaigne pour terminer, à l'adresse tant des humoristes que de ceux qui les ont virés et de ceux qu'ils brocardent: "Sur le plus beau trône du monde, on n'est jamais assis que sur son cul".

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Pour info, le journal de Siné a déposé le bilan, ce qui prouve que le lectorat est spontanément du côté de la censure et qu'il ne faudrait pas lui laisser autant de pouvoir. Levons un impôt pour soutenir Siné, Guillon et consorts, déclarés d'utilité publique. Que ne l'a-t-on fait pour les ligues antiparlementaires des années 30 ?

Anonyme a dit…

Et pour continuer à entendre Guillon insulter son patron, il suffira sans doute d'écouter Canal + : nul doute qu'il s'y emploiera avec zèle.